Pausanias, description de la grèce

Les régions décrites dans chacun des dix livres de la Description de la Grèce de Pausanias (Wikipédia). Le point rouge correspond à la position d'Hypata.
Les régions décrites dans chacun des dix livres de la Description de la Grèce de Pausanias (Wikipédia). Le point rouge correspond à la position d'Hypata.

Pausanias , dit le Périégète, est un géographe et voyageur de l'Antiquité. Né à Magnésie du Sipyle vers l'an 115, il meurt à Rome vers l'an 180. Il est l'auteur d'une Description de la Grèce ou Périégèse.

Pausanias n'est pas passé à Hypata. Néanmoins, il s'en approche au livre X, consacré à la Phocide, soit la région de Delphes, qui était en contact par le mont Oeta avec le pays des Ainianes (voir Hypata et Delphes). Il les mentionne d'ailleurs à deux reprises. 



Après avoir présenté le processus de création des jeux pythiques avec l'introduction progressive des différentes épreuves, Pausanias s'attarde sur la composition de l'Amphictyonie de Delphes, conseil panhellénique s'occupant des affaires du sanctuaire, comme l'organisation des jeux. Le nombre de voix accordées aux cités a relativement changé selon les aléas de l'histoire.

[10, 8] Καταστήσασθαι δὲ συνέδριον ἐνταῦθα Ἑλλήνων οἱ μὲν Ἀμφικτύονα τὸν Δευκαλίωνος νομίζουσι καὶ ἀπὸ τούτου τοῖς συνελθοῦσιν ἐπίκλησιν Ἀμφικτύονας γενέσθαι, Ἀνδροτίων δὲ ἐν τῇ Ἀτθίδι ἔφη συγγραφῇ ὡς τὸ ἐξ ἀρχῆς ἀφίκοντο ἐς Δελφοὺς παρὰ τῶν προσοικούντων συνεδρεύοντες, καὶ ὀνομασθῆναι μὲν Ἀμφικτίονας τοὺς συνελθόντας, ἐκνικῆσαι δὲ ἀνὰ χρόνον τὸ νῦν σφισιν ὄνομα. ὑπὸ μὲν δὴ Ἀμφικτύονος αὐτοῦ φασιν ἐς συνέδριον κοινὸν τοσάδε γένη τοῦ Ἑλληνικοῦ συναχθῆναι, Ἴωνας Δόλοπας Θεσσαλοὺς Αἰνιᾶνας Μάγνητας Μαλιέας Φθιώτας Δωριεῖς Φωκέας Λοκροὺς τῇ Φωκίδι ὁμόρους ὑπὸ τῷ ὄρει τῇ Κνήμιδι· (...) βασιλεὺς δὲ Αὔγουστος μετεῖναι καὶ Νικοπολίταις τοῖς πρὸς τῷ Ἀκτίῳ συνεδρίου τοῦ Ἀμφικτυόνων ἠθέλησε· Μάγνητας μὲν οὖν καὶ Μαλιεῖς καὶ Αἰνιᾶνας καὶ Φθιώτας Θεσσαλοῖς συντελεῖν, τὰς ψήφους δὲ ὅσαι τούτων τε καὶ Δολόπων - οὐ γὰρ ἔτι ἦν Δολόπων γένος - Νικοπολίτας φέρειν. (...)

[10, 8] On pense généralement que c'est Amphictyon fils de Deucalion qui a institué là [à Delphes] le conseil des Grecs et qu'à partir de cela, on a donné à ceux qui se rassemblent le nom d'amphictyons. Mais Androtiôn, dans son traité sur l'Attique, dit qu'à l'origine, ceux qui siègent ensemble à Delphes venaient des régions voisines, donc ces députés furent appelés Amphictyons, "ceux qui habitent autour", et le nom leur est resté jusqu'à aujourd'hui. On dit de sources sûres qu'ont été réunis par Amphictyon en un conseil commun les peuples de la Grèce en même nombre [de députés] : les Ioniens, les Dolopes, les Thessaliens, les Ainianes, les Magnètes, les Maliens, les Phtiotes, les Doriens, les Phocéens, et enfin les Locriens qui touchent à la Phocide, au pied du mont Cnémis. (...) Par la suite, l'empereur Auguste voulut les Nicopolitains près d'Actium aient des droits sur le Conseil des Amphictyons : il réunit donc les Magnètes, les Maliens, les Ainianes et les Phtiotes au Thessaliens,  tandis que les Nicopolitains utiliseraient leurs voix ainsi que celle des Dolopes – car il n’y avait plus de peuple dolope.


Pausanias présente ici deux explications du nom Amphictyonie, la première mythologique et la seconde étymologique. Les deux explication s'inscrire dans la vague rhétorique de la Seconde Sophistique.

  1. Le mythe : les Ainianes sont au nombre des peuples choisis par Amphictyon, fils de Deucalion, qui était le roi de Phtie. Cette région, située au pied du mont Ossa, est justement le berceau du peuple Ainiane selon Plutarque ou Strabon (Les Ainianes et leur capitale). Amphictyon avait pour frère Hellen, ancêtre des Ainianes selon Héliodore. Après le déluge, Deucalion et sa famille, monté dans une embarcation, échouèrent sur le Mont Parnasse, non loin de Delphes (Apollodore le Mythographe, La Bibliothèque, 1-7) Amphictyon devint ensuite le troisième roi légendaire d'Athènes et fonda l'Amphictyonie. A travers ce mythe, les Ainianes, la Phtie et Delphes se retrouvent étroitement connectés.
  2. L'étymologie : les Ainianes sont parmi les peuples voisins de la Phocide. Pour des raisons pratiques, on choisit des délégués de régions proches de Delphes et des Thermopyles puisque l'Amphictyonie gérait les affaires des deux sanctuaires et se réunissaient alternativement dans les deux endroits. La cité des Ainianes et celle de Delphes étaient en effet relativement proche, et les deux cités ont entretenu des relations tout au long de l'Antiquité (Hypata et Delphes).

"Sous Auguste, le conseil amphictionique est remanié au profit de la cité fondée en mémoire de la victoire d’Actium ; Nicopolis d’Épire reçoit les voix des peuples qui ont rejoint pour la plupart la confédération thessalienne. Georges Daux a ainsi expliqué ce texte : au lieu des dix auxquelles elle pouvait prétendre – les deux siennes ainsi que celles des Maliens-Œtéens, des Ainianes, des Perrhèbes, des Dolopes et des Achéens, qui ont rejoint le koinon –, la Thessalie dut alors se contenter de deux voix, les Nicopolitains récupérant les suffrages qui lui avaient été retirés. Il faut sans doute attribuer à Néron un rééquilibrage au profit de la Thessalie" (Bouchon Richard. L’ère auguste : ébauche d’une histoire politique de la Thessalie sous Auguste. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 132, livraison 1, 2008. p. 439)

 

Après s'être arrêté sur le conseil Amphictyonique de Delphes, le livre X continue la visite du sanctuaire avec le temple d'Athéna Pronoea et la fontaine Castalie. S'en suit une longue description des offrandes des cités, statues ou bâtiments, qui montre au lecteur la richesse du sanctuaire. D'où la convoitise qu'il a, de tous temps, éveillé, celle des Gaulois en premier lieu sous le commandement de Brennos. Arrivés par le Nord-Est, les Gaulois traversent la vallée du Spercheios, avant de marcher sur Héraclée.   

 

[NDA : Il semble que Brennos soit en fait un titre militaire désignant la plus haute position dans l'armée gauloise, comme consul en latin ou στρατηγός en grec. Il y a donc eu dans l'Histoire, plusieurs Brennus ou Brennos ou encore Brenn(e). Il s'agit ici de celui qui pilla Delphes en 279 av. J-C]

[10, 22] Περὶ δὲ τοὺς Ἕλληνας ἐν τῷ αὐτῷ χρόνῳ τοὺς ἐν Θερμοπύλαις συνέβαινεν ἄλλα τοιαῦτα. ἀτραπός ἐστι διὰ τοῦ ὄρους τῆς Οἴτης, μία μὲν ἡ ὑπὲρ Τραχῖνος ἀπότομός τε τὰ πλείω καὶ ὄρθιος δεινῶς, ἑτέρα δὲ ἡ διὰ τῆς Αἰνιάνων ὁδεῦσαι στρατῷ ῥᾴων, δι´ ἧς καὶ Ὑδάρνης ποτὲ Μῆδος κατὰ νώτου τοῖς περὶ Λεωνίδην ἐπέθετο Ἕλλησι. κατὰ ταύτην τὴν ὁδὸν ἐπηγγέλλοντο ἄξειν Βρέννον οἱ Ἡρακλεῶται καὶ οἱ Αἰνιᾶνες, οὐ κακονοίᾳ τῇ ἐς τὸ Ἑλληνικόν, τοὺς δὲ Κελτοὺς ἐκ τῆς χώρας σφίσιν ἀπελθεῖν μηδὲ ἐγκαθημένους φθείρειν περὶ πολλοῦ ποιούμενοι. καί μοι φαίνεται Πίνδαρος ἀληθῆ καὶ ἐν τῷδε εἰπεῖν, ὃς πάντα τινὰ ὑπὸ κακῶν οἰκείων ἔφη πιέζεσθαι, ἐπὶ δὲ ἀλλοτρίοις κήδεσιν ἀπήμαντον εἶναι. τότε δὲ ἡ τῶν Αἰνιάνων καὶ τῶν Ἡρακλεωτῶν ὑπόσχεσις ἐπήγειρε τὸν Βρέννον· καὶ Ἀκιχώριον μὲν κατέλιπεν ἐπὶ τῇ στρατιᾷ, προειπών, ἐπειδὰν περιλάβωσιν αὐτοὶ τὸ Ἑλληνικόν, τηνικαῦτα καὶ ἐκείνοις ἐφόδου καιρὸν εἶναι· ἀπολέξας δὲ αὐτὸς μυριάδας τοῦ στρατοῦ τέσσαρας ἐποιεῖτο τὴν ὁδὸν διὰ τῆς ἀτραποῦ. (...)

[10, 22] Au même moment, voici ce qui arriva aux Grecs qui étaient aux Thermopyles. Il y a des sentiers à travers le massif de l'Oeta, l'un passant au-dessus de Trachis fort escarpé et terriblement raide, l'autre qui traverse la terre des Ainianes, plus facile pour une armée, par lequel Hydarnès de Médie pris par derrière les Grecs qui accompagnaient Léonidas. On annonça que les Héracléotes et les Ainianes allaient conduire Brennos par cette route, non par malveillance envers les Grecs, mais parce qu'ils souhaitaient ardemment que les Celtes quittent leur région, ne supportant plus leur présence. Pindare me semble dans le vrai lorsqu'il dit que tout un chacun est accablé par les malheurs de sa famille, mais est indifférent aux chagrins des autres. Alors, la promesse des Ainianes et des Héracléotes ranima Brennos ; et il laissa Acichorius avec l'armée, lui disant que, lorsqu'ils [Brennos et sa troupe] auront cerné les Grecs [par la montagne], ce sera le moment pour eux [Acichorius et son armée] d'attaquer. Ayant choisi lui-même quatre-mille hommes de son armée, il fit route par le sentier. (...)

 


Hydarnès le Jeune prit part à l'expédition de Xerxès contre la Grèce en 485 av. J.-C. Durant la bataille des Thermopyles (août ou septembre 480 av. J.-C), les Perses tentent de franchir l'étroit défilé des Thermopyles gardé par les Spartiates. Le premier jour, Hydarnès le Jeune mène sans succès les Immortels, corps d'élite de l'armée perse au combat. Le deuxième jour, Éphialtès de Trachis, cité proche d'Héraclée, trahit les Grecs et informe Xerxès Ier de l'existence d'un sentier dans la montagne permettant de contourner le défilé et offre de guider les Perses. Hérodote en donne une description détaillée (Hérodote, VII, 216-218).

L'attaque en tenaille de Brennos adopte n'est donc pas une nouveauté !

D'Hypata à Trachis-Héraclée : une zone de trekking populaire aujourd'hui ! L'attaque en tenaille des Gaulois.
D'Hypata à Trachis-Héraclée : une zone de trekking populaire aujourd'hui ! L'attaque en tenaille des Gaulois.

Sans en avoir l'air, Pausanias rappelle l'ancienne trahison de la cité de Trachis, tout en la justifiant grâce à un vieil adage. Il s'agit d'une citation de la première Néméenne de Pindare, éloge de Chromios, vainqueur à la course de char (I, 53-54). Le poète y évoque le premier exploit d'Hercule encore bébé, étranglant les serpents envoyés par Héra, et l'angoisse de son père Amphitryon aux cris sa femme. D'où la phrase :

[1, 53] (...)Τὸ γὰρ οἰκεῖον πιέζει πάνθ᾽ ὁμῶς·

   εὐθὺς δ᾽ ἀπήμων κραδία κᾶδος ἀμφ᾽ ἀλλότριον.

[1, 53] (...) Car les malheurs qui touchent notre famille nous accablent également tous ; mais notre cœur est tout de suite indifférent au chagrin des autres.


Pausanias paraphrase plus qu'il ne cite, reprenant le vocabulaire et l'idée, mais transformant la structure grammaticale de la phrase pour adapter les vers de Pindare en prose. Les Ainianes et les Héracléotes ne valent pas plus ou moins que les autres ; ce sont des hommes avec leurs faiblesses. Voilà le message.