lucien, l'âne d'or

 

Non sans quelques doutes, on attribue traditionnellement à Lucien de Samosate, auteur satirique du IIe. siècle, la version grecque de l'Ane d'or.

Herrmann Léon. Lucius de Patras et les trois romans de l'Âne. In: L'antiquité classique, Tome 41, fasc. 2, 1972. pp. 573-599.

Billault Alain. Lucien, l’âne et la métamorphose dans Lucius ou l’âne. In: Revue des Études Grecques, tome 132, fascicule 1, Janvier-juin 2019. pp. 263-275.

Selon la notice de Photius, Lucien aurait fait l’épitomé, le résumé, en en changeant le titre pour celui d’Onos. Ces Métamorphoses grecques seraient l’œuvre d’un certain Lucius de Patrae, dont on n’aurait par ailleurs conservé aucune trace dans la tradition littéraire.


Texte grec : Lucian, Lucius, or the ass, Loeb Classical Library

Traduction française : Michel Dubuisson (traduction personnelle en préparation)


[1] Ἀπήιειν ποτὲ ἐς Θετταλίαν· ἦν δέ μοι πατρικόν τι συμβόλαιον ἐκεῖ πρὸς ἄνθρωπον ἐπιχώριον· ἵππος δέ με κατῆγε καὶ τὰ σκεύη καὶ θεράπων ἠκολούθει εἷς. ἐπορευόμην οὖν τὴν προκειμένην ὁδόν· καί πως ἔτυχον καὶ ἄλλοι ἀπιόντες ἐς Ὕπατα πόλιν τῆς Θετταλίας, ἐκεῖθεν ὄντες· καὶ ἁλῶν ἐκοινωνοῦμεν, καὶ οὕτως ἐκείνην τὴν ἀργαλέαν ὁδὸν ἀνύσαντες πλησίον ἤδη τῆς πόλεως ἦμεν, κἀγὼ ἠρόμην τοὺς Θετταλοὺς εἴπερ ἐπίστανται ἄνδρα οἰκοῦντα ἐς τὰ Ὕπατα, Ἵππαρχον τοὔνομα. γράμματα δὲ αὐτῶι ἐκόμιζον οἴκοθεν, ὥστε οἰκῆσαι παρ᾽ αὐτῶι. οἱ δὲ εἰδέναι τὸν Ἵππαρχον τοῦτον ἔλεγον καὶ ὅπηι τῆς πόλεως οἰκεῖ καὶ ὅτι ἀργύριον ἱκανὸν ἔχει καὶ ὅτι μίαν θεράπαιναν τρέφει καὶ τὴν αὑτοῦ γαμετὴν μόνας· ἔστι γὰρ φιλαργυρώτατος δεινῶς. ἐπεὶ δὲ πλησίον τῆς πόλεως ἐγεγόνειμεν, κῆπός τις ἦν καὶ ἔνδον οἰκίδιον ἀνεκτόν, ἔνθα ὁ Ἵππαρχος ὤικει.

[1] Je me rendais un jour en Thessalie. J'y avais à traiter avec un habitant de la région une affaire dont m'avait chargé mon père. Un cheval me portait ainsi que mon bagage; un serviteur m'accompagnait. Je cheminais donc suivant l'itinéraire prévu, quand je rencontrai d'autres voyageurs qui s'en retournaient à Hypata, ville de Thessalie, d'où ils étaient originaires. Nous partageâmes le sel et c'est ainsi que nous vînmes à bout de ce pénible voyage. Nous étions déjà près de la cité quand je demandai aux Thessaliens s'ils connaissaient un habitant d'Hypata du nom d'Hipparque; je lui apportais une lettre qui me permettrait de séjourner chez lui. Ils me répondirent qu'ils connaissaient l'Hipparque en question ainsi que son adresse. Il jouissait, d'après eux, d'une aisance suffisante, mais il n'avait à sa charge qu'une seule servante, outre son épouse : il était en effet extrêmement avare. Quand nous fûmes près de la ville, nous trouvâmes un jardin avec une petite maison passable. C'est là que demeurait Hipparque.


[2] Οἱ μὲν οὖν ἀσπασάμενοί με ὤιχοντο, ἐγὼ δὲ κόπτω προσελθὼν τὴν θύραν, καὶ μόλις μὲν καὶ βραδέως, ὑπήκουσε δ᾽ οὖν γυνή, εἶτα καὶ προῆλθεν. ἐγὼ μὲν ἠρόμην εἰ ἔνδον εἴη· Ἵππαρχος· Ἔνδον, ἔφη· σὺ δὲ τίς ἢ τί βουλόμενος πυνθάνηι; Γράμματα ἥκω κομίζων αὐτῶι παρὰ Δεκριανοῦ Πατρέως σοφιστού. Μεῖνόν με, ἔφη, αὐτοῦ, καὶ τὴν θύραν συγκλείσασα ὤιχετο εἴσω πάλιν· καί ποτε ἐξελθοῦσα κελεύει ἡμᾶς εἰσελθεῖν. Κἀγὼ δὲ παρελθὼν εἴσω ἀσπάζομαι αὐτὸν καὶ τὰ γράμματα ἐπέδωκα. ἔτυχε δὲ ἐν ἀρχῆι δείπνου ὢν καὶ κατέκειτο ἐπὶ κλινιδίου στενοῦ, γυνὴ δὲ αὐτοῦ καθῆστο πλησίον, καὶ τράπεζα μηδὲν ἔχουσα παρέκειτο. ὁ δὲ ἐπειδὴ τοῖς γράμμασιν ἐνέτυχεν. Ἀλλ᾽ ὁ μὲν φίλτατος ἐμοί, ἔφη, καὶ τῶν Ἑλλήνων ἐξοχώτατος Δεκριανὸς εὖ ποιεῖ καὶ θαρρῶν πέμπει παρ᾽ ἐμοὶ τοὺς ἑταίρους τοὺς ἑαυτοῦ· τὸ δὲ οἰκίδιον τὸ ἐμὸν ὁρᾶις, ὦ Λούκιε, ὡς ἔστι μικρὸν μέν, ἀλλὰ εὔγνωμον τὸν οἰκοῦντα ἐνεγκεῖν· ποιήσεις δὲ αὐτὸ σὺ μεγάλην οἰκίαν ἀνεξικάκως οἰκήσας.

[2] Les autres prirent congé de moi et s'en furent ; je m'avançai et frappai à la porte. Non sans peine et après bien du temps une femme répondit à mon appel et finit par sortir. Je lui demandai si Hipparque était chez lui. « Il y est, dit-elle ; qui es-tu et que lui veux-tu ? - Je viens lui apporter une lettre du sophiste Decrianos de Patras. - Attends-moi là. » Elle referma la porte et rentra. Finalement elle sortit et nous invita à entrer, ce que je fis. Je le saluai et lui remis la lettre. Il en était au début de son dîner, étendu sur un lit étroit. Sa femme se tenait assise auprès de lui, à côté d'une table vide. Dès qu'il eut lu la lettre : « Oui! mon très cher Decrianos, le plus éminent des Grecs, fait bien de m'envoyer ses amis en toute confiance. Tu vois, Lucius, que ma maison est petite, mais toute prête à se charger d'un hôte. Tu l'agrandiras en montrant de la bonne grâce à y loger. »


[4]  ἐπεθύμουν δὲ σφόδρα μείνας ἐνταῦθα ἐξευρεῖν τινα τῶν μαγεύειν ἐπισταμένων γυναικῶν καὶ θεάσασθαί τι παράδοξον, ἢ πετόμενον ἄνθρωπον ἢ λιθούμενον. καὶ τῶι ἔρωτι τῆς θέας ταύτης δοὺς ἐμαυτὸν περιήιειν τὴν πόλιν, ἀπορῶν μὲν τῆς ἀρχῆς τοῦ ζητήματος, ὅμως δὲ περιήιειν· κἀν τούτωι γυναῖκα ὁρῶ προσιοῦσαν ἔτι νέαν, εὐπορουμένην, ὅσον ἦν ἐκ τῆς ὁδοῦ συμβαλεῖν· ἱμάτια γὰρ ἀνθινὰ καὶ παῖδες συχνοὶ καὶ χρυσίον περιττόν. ὡς δὲ πλησιαίτερον γίνομαι, προσαγορεύει με ἡ γυνή, καὶ ἀμείβομαι αὐτῆι ὁμοίως, καὶ φησίν, Ἐγὼ Ἄβροιά εἰμι, εἴ τινα τῆς σῆς μητρὸς φίλην ἀκούεις, καὶ ὑμᾶς δὲ τοὺς ἐξ ἐκείνης γενομένους φιλῶ ὥσπερ οὓς ἔτεκον αὐτή· τί οὖν οὐχὶ παρ᾽ ἐμοὶ καταλύεις, ὦ τέκνον;

[4]  En fait, j'étais très désireux de rester là, d'y trouver l'une de ces femmes qui s'y entendent en magie, et d'assister à un spectacle extraordinaire, comme un homme qui se mettrait à voler ou serait changé en pierre. Tout entier au désir d'une telle contemplation, je parcourus la ville, sans savoir d'ailleurs par où commencer mon enquête, mais je la parcourus. Ce faisant, je vis s'avancer une femme encore jeune, et, d'après ce qu'on pouvait en conclure en la croisant dans la rue, aisée. Elle avait un manteau fleuri, une escorte d'esclaves fournie, et de nombreux bijoux en or. J'arrive plus près ; elle m'adresse la parole, je lui réponds de même. « Je suis, dit-elle, Abroia, si tu connais sous ce nom l'une des amies de ta mère ; et j'ai autant d'affection pour ceux qui sont issus d'elle que pour mes propres enfants. Pourquoi, mon garçon, ne viendrais-tu pas habiter chez moi ? »


 

 

[16]  ἐπεὶ γὰρ ἦν ἤδη νὺξ βαθεῖα καὶ σιωπὴ πολλὴ καὶ ὕπνος ὁ γλυκύς, ψοφεῖ μὲν ἔξωθεν ὁ τοῖχος ὡς διορυττόμενος, καὶ διωρύττετό γε, καὶ ὀπὴ ἤδη ἐγεγόνει ἄνθρωπον δέξασθαι δυναμένη, καὶ εὐθὺς ἄνθρωπος ταύτηι παρήιει καὶ ἄλλος ὁμοίως, καὶ πολλοὶ ἔνδον ἦσαν καὶ πάντες εἶχον ξίφη. Εἶτα καταδήσαντες ἔνδον ἐν τοῖς δωματίοις τὸν Ἵππαρχον καὶ τὴν Παλαίστραν καὶ τὸν ἐμὸν οἰκέτην ἀδεῶς ἤδη τὴν οἰκίαν ἐκένουν τά τε χρήματα καὶ τὰ ἱμάτια καὶ τὰ σκεύη κομίζοντες ἔξω. ὡς δὲ οὐδὲν ἄλλο ἔνδον κατελείπετο, λαβόντες ἐμέ τε καὶ τὸν ἄλλον ὄνον καὶ τὸν ἵππον ἐπέσαξαν, ἔπειτα ὅσα ἐβάστασαν, ἐπικατέδησαν ἡμῖν. καὶ οὕτως μέγα ἄχθος φέροντας ἡμᾶς ξύλοις παίοντες ἤλαυνον εἰς τὸ ὄρος ἀτρίπτωι ὁδῶι φεύγειν πειρώμενοι.

[16]  Une fois la nuit tombée, c'est le silence et le doux sommeil. Alors la porte fait du bruit, comme si on la forçait. On la forçait en effet, et un trou apparut, assez grand pour livrer passage à un homme. Aussitôt un homme s'y engage, puis un autre ; bientôt ils furent nombreux à l'intérieur, tous armés de sabres. Puis ils pénètrent dans la maison, bouclent Hipparque, Palaistra et mon domestique dans leur chambre, et vident sans crainte le logis de l'argent, des vêtements et des meubles. Quand il ne reste plus rien, ils s'emparent de l'autre âne et du cheval, les sellent, et arriment sur nous tout ce dont ils s'étaient emparés. Chargés comme nous l'étions de ce lourd fardeau, ils nous frappent du bâton pour nous faire avancer ; ils comptaient s'enfuir vers la montagne par un chemin non carrossable.