maxime de tyr, Dissertations

 

Maxime de Tyr est un philosophe et rhéteur grec du IIe siècle, est né à Tyr, en Phénicie, vers 125. Il mena d'abord une existence d'orateur itinérant. À Athènes, il rencontra sans doute Arrien, peut-être en 147 ou 148. Il vint à Rome sous le règne de Commode (180-192). Il est mort vers 185. Maxime de Tyr est l'auteur de 41 dissertations qui portent sur des sujets variés. Il écrit en grec, dans l'attique le plus classique. (d'après Wikipédia)

La danse de banquet traditionnelle des Ainianes apparaît à la 28e dissertations qui a pour thème : "De tous les fruits que recueille l’âme des études libérales, ceux qu'elle retire de la philosophie sont les meilleurs". L'auteur réfléchit sur ce que doit être le banquet digne d'un sage, d'un sophiste ; car il faut aussi penser à la nourriture de l'âme, à savoir la parole, qui ne doit pas être comme ces discours falsifiés d'avocats. De même, la pantomime de combat à laquelle se livrent les Ainianes au cours des festins n'a pas sa place aux festins des sages. A l'inverse, Maxime de Tyr admire les sérieux débats des Perses lors des banquets, qui rivalisent d'intelligence avec l’assemblée athénienne.


Texte grec : site de Philippe Remacle

Traduction française : personnelle


[28,4] (...) ὡς ἐγὼ οὐδὲ τὰ Αἰνιάνων θεάματα ἐπαινῶ, ὅσα ἐν πότῳ εὐφραίνονται Αἰνιᾶνες, οἱ μὲν δρῶντες, οἱ δὲ ὁρῶντες. Ἄνδρες δύο μιμοῦνται μάχην, ὑπαυλοῦντος ἄλλου· ὁ μὲν αὐτοῖν γεωργὸς τέ ἐστιν καὶ ἀροῖ, ὁ δὲ λῃστὴς καὶ ὅπλα ἔχει, κεῖται δὲ καὶ τῷ γεωργῷ τὰ ὅπλα ἀγχοῦ· ἐπειδὰν δὲ ὁ λῃστὴς ἔλθῃ, ἀφέμενος ὁ γεωργὸς τοῦ ζεύγους, δραμὼν ἐπὶ τὰ ὅπλα, συμπεσόντες μάχονται, παίοντες τὰς ὄψεις, καὶ μιμούμενοι τραύματα καὶ πτώματα· θεάματα οὐ συμποτικά. Ἐπαινῶ πρὸ τούτων τὸν Περσικὸν νόμον τὸν ἀρχαῖον, δι´ ὃν Πέρσαι τῆς ἐλευθερίας ἐπελάβοντο. Ἀνέκειντο τοῖς Πέρσαις αἱ βουλαὶ εἰς τὰς εὐωχίας, ὥσπερ τοῖς Ἀθηναίοις εἰς τὰς ἐκκλησίας, καὶ σπουδαστικώτερον ἦν συμπόσιον Περσικὸν ἐκκλησίας Ἀττικῆς· (...)

 

[28,4] (...) c'est pourquoi, je ne ferai vraiment pas l'éloge de ce spectacle dont raffolent les Ainianes quand ils boivent, les uns exécutant, les autres regardant. Deux hommes miment un combat, un troisième les accompagnant à la flûte : le premier des deux est un paysan et il laboure ; le deuxième, un brigand, porte ses armes, tandis que celles du paysan sont déposées non loin de lui. Lorsque le brigand arrive, le paysan abandonne ses bœufs pour courir à ses armes ; tombant l'un sur l'autre, ils se battent, se frappant aux yeux, et miment les blessures et les chutes : c'est un spectacle peu agréable pour un banquet ! J’apprécie davantage l'ancienne coutume perse, grâce à laquelle les Perses ont acquis leur liberté. Les débats politiques étaient de la partie au festin chez les Perses, comme à l'assemblée chez les Athéniens, et un banquet perse était plus sérieux qu'une assemblée athénienne ! (...)


Maxime de Tyr reprend ici la description de Xénophon. Quelles sont les différences ?

 

Ce qu'il ne garde pas :

  • les mouvements du paysan : Xénophon précise qu'il sème et conduit ses bœufs
  • la crainte initiale du paysan qui se retourne fréquemment comme s'il s'attendait à l'arrivée du brigand
  • le but du combat : voler les bœufs du côté du brigand, les défendre du côté du paysan
  • l'idée de rythme : un mime plutôt qu'une danse
  • la fin, qu'elle donne la victoire au brigand ou au paysan, est ici absente

Ce qu'il ajoute :

  • des détails sur la violence du combat : coups dans les yeux, blessures et chutes
  • une danse devenue traditionnelle lors des festins des Ainianes

Globalement, Maxime de Tyr évacue tous les aspects artistiques de la danse Ainianes : plus de rythme, plus de sens, plus de comique, seuls reste la violence et le déferlement de passions primitives, qui contrastent avec les discours sérieux des banquets des Perses.

Ensuite, le début du texte laisse à penser que cette danse était, a l'époque où écrit Maxime de Tyr, devenue une véritable coutume de festin chez les Ainianes.

Le détail inexistant chez Xénophon, παίοντες τὰς ὄψεις, se frappant aux yeux, montre que Maxime de Tyr a sûrement déjà vu la performance, peut-être lors de son séjour en Grèce. Hypata fournit alors quelques brillants sophistes (Pouilloux Jean. Une famille de sophistes thessaliens à Delphes au IIe s. ap. J.-C.. pp. 379-384.), qu'il a pu rencontrer lors de banquet à Athènes ou à Delphes. Les Ainianes intellectuels du IIe siècle construisent leur mythe, leurs traditions, bref leur identité culturelle, ainsi que le voulait l'époque en Grèce.