Plutarque

 

Il y avait dans le cercle de Plutarque (né vers 46 à Chéronée en Béotie et mort vers 125), un certain nombre de personnalités originaires d'Hypata, qu'il cite parfois dans ses œuvres. Plutarque ne mentionne pas toujours l'ethnique de ses amis, s’intéressant davantage à leur ascendance philosophique. C'est donc en recoupant avec des inscriptions que l'on peut dresser la liste de ses amis d'Hypata. Il a dû les rencontrer à Delphes : Plutarque y a était prêtre une vingtaine d'années, tandis que la cité d'Hypata entretenait, elle, des relations étroites avec le sanctuaire.

Bernadette Puech, dans sa Prosopographie des amis de Plutarque, recense trois citoyens d'Hypata : T. Flavius Eubiotos (Les animaux de terre ont-ils plus d'adresse que ceux de mer ?, 965), L. Cassius Petraios (Propos de table, V, 2 ; Sur les oracles de la Pythie, 29), et sûrement T. Flavius Alexandros que J. Pouilloux a reconnu derrière le philosophe épicurien Alexandros et à qui Plutarque adresse son traité De la malignité d'Hérodote.

C'est sûrement grâce à ses connaissances d'Hypata que Plutarque a pû traiter de quelques traits de la culture Ainianes dans ses Questions Grecques.


A propos des Ainianes

questions grecques

 

"Plutarque (45-120 après J.-C.), [était un] Grec de l'Empire romain, citoyen d'Athènes et de Rome, historien et ethnologue de sa propre culture et de celle des Romains, un des principaux "passeurs" qui ont fait connaître l'Antiquité au monde moderne. Les Questions sont ensuite données dans une typographie qui fait apparaître clairement le problème posé par chaque question, les réponses diverses qu'y apporte Plutarque. (...) L'apport majeur de Plutarque est de faire apparaître les relais, la continuité et les ruptures qui conduisent de l'ancienne Grèce et de la Rome de Romulus à l'Empire du Ier siècle." (Gallimard)

 

Texte grec : site de Philippe Remacle

Traduction française : personnelle

 

[13] Τί τὸ πτωχικὸν κρέας παρ´ Αἰνιᾶσι;

Πλείονες γεγόνασιν Αἰνιάνων μεταναστάσεις. Πρῶτον μὲν γὰρ οἰκοῦντες περὶ τὸ Δώτιον πεδίον ἐξέπεσον ὑπὸ Λαπιθῶν εἰς Αἴθικας. Ἐκεῖθεν τῆς Μολοσσίας τὴν περὶ τὸν Αὖον [NDA : je remplace ici  Ἀραούαν pour les raisons indiquées ci-après] χώραν κατέσχον, ὅθεν ὠνομάσθησαν Παραοῦαι. Μετὰ ταῦτα Κίρραν κατέσχον· ἐν δὲ Κίρρῃ καταλεύσαντες Οἴνοκλον τὸν βασιλέα τοῦ θεοῦ προστάξαντος, εἰς τὴν περὶ τὸν Ἴναχον χώραν κατέβησαν οἰκουμένην ὑπ´ Ἰναχιέων καὶ Ἀχαιῶν. Γενομένου δὲ χρησμοῦ τοῖς μὲν ἂν μεταδῶσι τῆς χώρας ἀποβαλεῖν ἅπασαν, τοῖς δ´ ἂν λάβωσι παρ´ ἑκόντων καθέξειν, Τέμων, ἀνὴρ ἐλλόγιμος τῶν Αἰνιάνων, ἀναλαβὼν ῥάκια καὶ πήραν ὡς προσαίτης ὢν ἀφίκετο πρὸς τοὺς Ἰναχιεῖς· ὕβρει δὲ καὶ πρὸς γέλωτα τοῦ βασιλέως βῶλον ἐπιδόντος αὐτῷ, δεξάμενος εἰς τὴν πήραν ἐνέβαλε καὶ ἀφανὴς ἦν ἠγαπηκὼς τὸ δῶρον· ἀπεχώρησε γὰρ εὐθὺς οὐδὲν προσαιτήσας. Οἱ δὲ πρεσβύτεροι θαυμάσαντες ἀνεμιμνήσκοντο τοῦ χρησμοῦ, καὶ τῷ βασιλεῖ προσιόντες ἔλεγον μὴ καταφρονῆσαι μηδὲ προέσθαι τὸν ἄνθρωπον. Αἰσθόμενος οὖν ὁ Τέμων τὴν διάνοιαν αὐτῶν ὥρμησε φεύγειν, καὶ διέφυγεν εὐξάμενος τῷ Ἀπόλλωνι καθ´ ἑκατόμβης. Ἐκ δὲ τούτου μονομαχοῦσιν οἱ βασιλεῖς, καὶ τὸν τῶν Ἰναχιέων Ὑπέροχον ὁ τῶν Αἰνιάνων Φήμιος ὁρῶν μετὰ κυνὸς αὐτῷ προσφερόμενον οὐκ ἔφη δίκαια ποιεῖν, δεύτερον ἐπάγοντα μαχόμενον, ἀπελαύνοντος δὲ τοῦ Ὑπερόχου τὸν κύνα καὶ μεταστρεφομένου, λίθῳ βαλὼν ὁ Φήμιος ἀναιρεῖ. Κτησάμενοι δὲ τὴν χώραν, τοὺς Ἰναχιεῖς μετὰ τῶν Ἀχαιῶν ἐκβαλόντες, τὸν μὲν λίθον ἐκεῖνον ὡς ἱερὸν σέβονται καὶ θύουσιν αὐτῷ καὶ τοῦ ἱερείου τῷ δημῷ περικαλύπτουσιν. Ὅταν δὲ τῷ Ἀπόλλωνι τὴν ἑκατόμβην ἀποδιδῶσι, τῷ Διὶ βοῦν καθιερεύσαντες, μερίδα τοῖς Τέμωνος ἀπογόνοις ἐξαίρετον νέμουσι καί « πτωχικὸν κρέας » ἐπονομάζουσι.

 

[13] Qu'est-ce que la "viande du mendiant" chez les Ainianes ?

Les migrations des Ainianes furent fort nombreuses. En effet, habitant d'abord à côté de la plaine Dotion, ils ont été chassés par les Lapithes vers les Aithikes. Ensuite, ils occupèrent la région des Molosses près de l'Aóos, d'où ils furent nommés Parauei. Après cela, ils occupèrent Cirrha [NDA : port de Delphes, actuelle Kirra] : là, après avoir lapidé Oinoklos, leur roi, sur ordre divin, ils allèrent dans la région du fleuve Inachos, habitée par les Inachiens et les Achéens. Un oracle avait dit à ces derniers que s'ils donnaient une part de leur terre, ils la perdraient dans sa totalité, mais aux autres [NDA : aux Ainianes] que s'ils en recevaient de personnes volontaires, ils l'occuperaient ; Temôn, Ainiane renommé, muni de haillons et d'une besace, se rend chez les Inachiens comme un mendiant. Par orgueil et pour rire, le roi lui ayant donné une motte de terre, il la reçut et le plaça dans sa besace, satisfait du don sans le laisser voir : aussitôt il se retire, sans demander son reste. Les anciens, étonnés, se souvinrent alors de l'oracle, et s'avançant, dirent au roi de ne pas mépriser, de ne pas laisser aller l'homme. Temôn, s'étant aperçu de leur intention, se prépara à fuir, et, après avoir promis une hécatombe à Apollon, il s'échappa. De là, les rois se battent en combat singulier, et Phèmios, roi des Ainianes, voyant Hyperochos, roi des Inachiens, approcher de lui avec un chien, dit que ce n'est pas juste d'amener un second combattant. Alors, comme Hyperochos chasse le chien et se retourne, Phémios envoyant une pierre le tue. Après avoir gagné la région, ayant chassé les Inachiens ainsi que les Achéens, ils honorent cette pierre comme sacrée, lui font un sacrifice et l'enveloppe de la graisse de la victime. Et lorsqu'ils offrent une hécatombe à Apollon, après avoir offert en sacrifice un bœuf à Zeus, ils distribuent une portion de choix aux descendants de Témôn, et ils l'appellent "la viande du mendiant".

 


Plutarque ne cite pas ses sources, ni ne donne de justification, quant à la position initiale des Ainianes dans la plaine Dotion. Chronologiquement, il connaît Homère et Strabon. Mais, il y a surtout dans son cercle d'amis des Ainianes qui ont pu lui raconter directement ces deux histoires. (R. Bouchon, Les Ainianes à l’époque impériale : mémoires d’un peuple polyplanètos, 2008)

Les Aithikes étaient un peuple vivant au pied du massif du Pinde (Strabon, Géographie, VII, 9), vers l'actuelle Trikala, soit non loin des Météores. Ce peuple est aussi cité par Homère, comme ayant subi l'invasion des centaures, chassés par Peirithoos, roi des Lapithes, du massif du Pélion (Homère, L'Iliade, II, 744). Les centaures ont donc eux aussi connus le même sort que les Ainianes et ont suivi à peu près la même route au début.

Selon l'édition anglaise du texte grec de Frank Cole Babbitt (1936) : Αὔαν seems required by the ending of the adjective below rather than Αὖον (Xylander from Stephanus Byzantius), Παραυαῖοι Xylander (as in Thuc. ii. 80, and elsewhere). L'éditeur anglais propose d'harmoniser les étymologies. Le texte de l'édition de P. Remacle en l'état n'a en effet pas beaucoup de sens ... Cependant, je choisirais plutôt d'harmoniser au masculin Αὖον et Παραοῦαι, en ne changeant que le nom du fleuve, car il existe en Grèce un fleuve portant le nom d'Aoos (Ἀῷος en grec ancien), qui prend sa source dans le massif du Pinde. 

Le fleuve Inachos est celui que Strabon distingue de l'Inachos d'Argolide plus célèbre (Strabon, Géographie, VI, 2, 4 ; VII, 7, 7 ), le premier ayant été nommé ainsi par des colons d'Argos, probablement les "Achéens" dont parle Plutarque. Il s'agit de la région d'Amphilochie, située à l'Ouest d'Hypata. 

Le roi Phèmios est représenté sur des monnaies Ainianes du IVe siècle.

 

Voici donc l'itinéraire suivi par les Ainianes, selon Plutarque, depuis la plaine Dotion jusqu'à Hypata, soit une route d'environ 900 km :

Au regard de cette carte, on peut se demander si l'épisode des Inachiens ne se passerait pas avant le séjour à Cirrha. A moins qu'en passant par la plaine de l'Inachos, les Ainianes n'en aient remarqué la fertilité, et n'aient décidé de prendre la région une fois établis à Cirrha. Quoi qu'il en soit, les migrations des Ainianes ne s'arrêtent pas au texte de Plutarque, puisqu'ils ont dû encore parcourir plus de 100 km pour arriver à leur future capitale, Hypata !

 

[26] Τίνος ἔχεται διανοίας τὸ τοὺς ἀπάγοντας εἰς Κασσιοπαίαν τὸν βοῦν ἐξ Αἴνου τὰς παρθένους προπεμπούσας ἐπᾴδειν ἄχρι τῶν ὅρων

« Μήποτε νοστήσαιτε φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν »;

Αἰνιᾶνες ὑπὸ Λαπιθῶν ἐξαναστάντες τὸ πρῶτον ᾤκησαν περὶ τὴν Αἰθακίαν, εἶτα περὶ τὴν Μολοσσίδα καὶ Κασσιοπαίαν· οὐδὲν δὲ χρηστὸν ἀπὸ τῆς χώρας ἔχοντες, ἀλλὰ καὶ χαλεποῖς χρώμενοι προσοίκοις εἰς τὸ Κιρραῖον πεδίον ἧκον, Οἰνόκλου τοῦ βασιλέως ἄγοντος αὐτούς. Ἐκεῖ δὲ μεγάλων αὐχμῶν γενομένων, κατὰ χρησμὸν ὡς λέγεται τὸν Οἴνοκλον καταλεύσαντες καὶ πάλιν πλανηθέντες εἰς ταύτην ἀφίκοντο τὴν χώραν, ἣν νῦν ἔχουσιν, ἀγαθὴν καὶ πάμφορον οὖσαν. Ὅθεν εἰκότως εὔχονται τοῖς θεοῖς εἰς τὴν παλαιὰν πατρίδα μὴ ἐπανελθεῖν, ἀλλ´ αὐτοῦ καταμένειν εὐδαιμονοῦντας.

 

[26] Que signifie le fait que les jeunes filles accompagnant jusqu'aux montagnes ceux qui emmènent le bœuf de la cité des Ainianes à la région de Kassope, chantent "Puissiez-vous ne jamais revenir dans votre chère patrie !" ?

Les Ainianes, après avoir été chassés par les Lapithes, habitèrent d'abord dans la région de l'Aithikie, puis en Molosside et dans la région de Kassope ; ne pouvant obtenir rien de bon de cette contrée et ayant de plus des voisins difficiles, ils allèrent vers la plaine de Cirrha, sous la conduite du roi Oinoklos. Là, une grande sécheresse se produisant, selon un oracle, dit-on, ils lapidèrent Oinoklos et ils errèrent ça et là longtemps, jusqu'à arriver dans la région bonne et fertile qu'ils occupent maintenant. De là, avec raison, ils prient les dieux de ne pas avoir à revenir dans leur ancienne patrie, mais de rester ici même où ils ont trouvé le bonheur.

 


Kassiopaia serait le nom de la région occupée par les Cassopaei, située entre le lac Janina et le golfe d'Ambracie, cité de Kassope, aux environs de l'actuelle Thesprotiko. La zone est en effet non loin de la Molosside.

Αἴνου pose davantage de problème. Il existe bien une ville nommée Aenos, en Thrace. Il s'agit de l'actuelle Enez en Turquie occidentale. Jusqu'à Thesprotiko, cela représente quand même une bien longue route pour conduire un bœuf ! Voici la route selon la Tabula Peutingeriana, improbable à mon sens.

Une autre hypothèse plus probable serait de lire dans Αἴνου, Αἰνίας, soit le nom de la cité des Ainianes. C'est le choix de l'éditeur anglais.  Un bœuf sacré serait donc conduit de la cité des Ainianes (région d'Hypata) à Kassopé en Epire, en procession.

Après une brève recherche dans la littérature latine et grec, les sources épigraphiques et numismatiques, il apparaît que le roi Oinoklos n'est cité que chez Plutarque dans les textes présentés sur cette page. J'ai néanmoins trouvé une inscription du IIe siècle av. J.-C. mentionnant un certain Euklide, fils d'Oinoklos, magistrat de la cité ayant fait la proposition de décret honorifique (SEG 33:450) . L'inscription vient de la cité d'Atrax, soit sur la route de migration hypothétique des Ainianes ... Un lointain descendant du roi lapidé ?

 

Localisation d'Atrax selon le Digital Atlas of Roman Empire
Localisation d'Atrax selon le Digital Atlas of Roman Empire

les Amis hypatéens de Plutarque

propos de table, Livre II

 

Texte grec et traduction française : Hodoi elektronikai

 

[2,3] ΠΡΟΒΛΗΜΑ Γ. Πότερον ἡ ἄρνις πρότερον ἢ τὸ ᾠὸν ἐγένετο.

Ἐξ ἐνυπνίου τινὸς ἀπειχόμην ᾠῶν πολὺν ἡδο (...) ὑπόνοιαν μέντοι παρέσχον, ἑστιῶντος ἡμᾶς Σοσσίου Σενεκίωνος, ἐνέχεσθαι δόγμασιν Ὀρφικοῖς ἢ Πυθαγορικοῖς καὶ τὸ ᾠόν, ὥσπερ ἔνιοι καρδίαν καὶ ἐγκέφαλον, ἀρχὴν ἡγούμενος γενέσεως ἀφοσιοῦσθαι· καὶ προὔφερεν Ἀλέξανδρος ὁ Ἐπικούρειος ἐπὶ γέλωτι τὸ ‘ἶσόν τοι κυάμους ἔσθειν κεφαλάς τε τοκήων,’ (...).

 

[2,3] QUESTION III. Si c'est la poule, ou si c'est l’œuf, qui a été formé en premier.

A la suite d'un certain rêve je m'abstenais d’œufs depuis longtemps. (...) Quoi qu'il en soit, on soupçonna, dans un repas où nous avait réunis Sossius Sénécion, que j'en tenais pour les dogmes d'Orphée ou de Pythagore; que je voyais dans l’œuf, comme d'autres dans le cœur et dans le cerveau, le principe de la génération, et que j'avais de l’œuf une horreur religieuse. Alexandre l'Épicurien alla même jusqu'à citer en riant le fameux vers : "C'est tout un, de manger des fèves et son père".

 


 Th. Homolle (1897), suivi par J. Pouilloux (1967), a reconnu en Alexandre l'Epicurien, un notable et sophiste originaire d'Hypata, à qui ses fils ont consacré une statue dont l'inscription sur la base a été trouvée à Delphes.

 

Propos de table, livre V

 

Texte grec et traduction française : Hodoi elektronikai

 

[5,2] ΠΡΟΒΛΗΜΑ Β Ὅτι παλαιὸν ἦν ἀγώνισμα τὸ τῆς ποιητικῆς.

Ἐν Πυθίοις ἐγίνοντο λόγοι περὶ τῶν ἐπιθέτων ἀγωνισμάτων, ὡς ἀναιρετέα. (...) καὶ παρὰ τὸ δεῖπνον, ἐστιῶντος ἡμᾶς Πετραίου τοῦ ἀγωνοθέτου, πάλιν ὁμοίων λόγων προσπεσόντων, ἠμύνομεν τῇ μουσικῇ· τήν τε ποιητικὴν ἀπεφαίνομεν οὐκ ὄψιμον οὐδὲ νεαρὰν ἐπὶ τοὺς ἱεροὺς ἀγῶνας ἀφιγμένην, ἀλλὰ πρόπαλαι στεφάνων ἐπινικίων τυγχάνουσαν. (...)

[5,2] QUESTION II. Que c'était anciennement un concours, que l'épreuve de la poésie.

Aux jeux Pythiques il fut question de supprimer les concours d'introduction plus récente. (...) Pendant le souper que le président des jeux, Pétraios, nous avait offert, le même sujet de conversation fut de nouveau mis en avant. Nous primes alors la défense des nourrissons des Muses ; et nous démontrâmes que la poésie n'était venue ni plus tard, ni tout récemment, prendre place dans les jeux sacrés : qu'au contraire dans les temps les plus anciens elle y avait obtenu des couronnes et des victoires. (...)

 


Ce Pétraios, ami de Plutarque, a été mis en parallèle avec un notable d'Hypata qui a occupé plusieurs fonctions importantes au sanctuaire de Delphes.

Lucius Cassius Petraios d'Hypata, fils de Derkios, a été épimélète des Amphictions (président du Conseil religieux de Delphes) l'année où l'on a élevé une statue à Trajan, antre 103 et 117 (CID 4:149). A ses propres frais, il lui en fait élèver une deuxième entre 114 et 117 (J. Pouilloux reproduit de texte de l'inscription à la note 48 de la page 290). Il reçoit lui -même une statue à Delphes de son ami Gnaeus Babbius Maximus (SGDI II 2963), peut-être avant d'être épimélète puisque cette fonction n'est pas mentionnée. On apprend par cette même inscription qu'il a été deux fois agonothète (président) des jeux pythiques, ce qui recoupe le texte ci-dessus. L'absence d'ethnique (origine géographique que l'on mentionnait pour les étrangers) laisse penser qu'il a alors obtenu la citoyenneté de Delphes. Il avait également la citoyenneté Romaine par sa famille, qui l'avait acquise à la fin de la République grâce à L. Cassius Longinus, légat de César. On sait aussi grâce à un autre texte de Plutarque (voir ci-après), que Petraios a participé à la restauration du sanctuaire de Delphes, avec Plutarque et un certain Polycratès. Delphes à l'époque de Trajan est en effet marqué par la rénovation des bâtiments et l'actualisation des jeux pythiques, deux problèmes auxquels ont participé activement Plutarque et Pétraios.

 

Sur les oracles de la Pythie

 

Texte grec : Les belles Lettres, classique en poche

Traduction française : personnelle

 

[29] (...) Καίτοι φιλῶ μὲν ἐμαυτὸν εφʹ οἷς ἐγενόμην εἰς τὰ πράγματα ταῦτα πρόθυμος καὶ χρήσιμος μετὰ Πολυκράτους καὶ Πετραίου, φιλῶ δὲ τὸν καθηγεμόνα ταὺτης τῆς πολιτείας γενόμενον ἡμῖν καὶ τὰ πλεῖστα τούτων ἐκφροντίζοντα καὶ παρασκευάζοντʹ〈αὐτοκράτορʹ Ἀδριανὸν Καίσαρα〉· ἀλλʹ οὐκ ἔστιν [ἄλλως ὅτι] τηλικαύτην καὶ τοσαύτην μεταβολὴν ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ γενέσθαι διʹ ἀνθρωπίνης ἐπιμελείας͵ μὴ θεοῦ παρόντος ἐνταῦθα καὶ συνεπιθειάζοντος τὸ χρηστήριον.

 

[29] (…) Quoiqu'il en soit, je suis content de moi : j'ai été plein d'ardeur et utile à ces travaux, en compagnie de Polycratès et de Pétraios. Et je chéris aussi celui qui a été pour nous le guide de ces mesures, les ayant imaginées et arrangées pour la plupart, notre empereur, Hadrien. Mais il y a peu de chances pour qu'une transformation aussi aussi importante et radicale se soit produite en si peu de temps par le soin des hommes, sans qu'un dieu n'ait été présent là et sans que l'oracle ne soit d'une origine divine.

 


Sur Pétraios d'Hypata, voir plus haut.

 

Plutarque, Œuvres morales, Les animaux de terre ont-ils plus d'adresse que ceux de mer ?

 

"C'est un dialogue qui se passe durant une partie de chasse, et le lendemain dans une école de Chéronée, peut être la maison de Plutarque. Il prend une forme semblable à une joute judiciaire, proche de la paradoxographie, avec une rhétorique philosophique. Les personnages sont également évoqués dans d'autres écrits de Plutarque. Plutarque défend plus l'animal ici que dans Gryllos ou Sur la fortune, il inspira grandement les Caractéristiques des Animaux de Claude Élien." (Wikipédia)

 

Texte grec et traduction française : Hodoi elektronikai

 

[965] « ἀντίδουλα καὶ πόνων ἐκδέκτορα· »

(...) Οὐ γὰρ οἱ χρώμενοι ζῴοις ἀδικοῦσιν, ἀλλ' οἱ χρώμενοι βλαβερῶς καὶ ὀλιγώρως καὶ μετ' ὠμότητος. (ΣΟΚΛΑΡΟΣ) Ἐπίσχες, ὦ Αὐτόβουλε, καὶ παραβαλοῦ τὸ θυρίον τῆς κατηγορίας· ἐγγὺς γὰρ οἵδε προσιόντες πολλοὶ καὶ θηρατικοὶ πάντες, οὓς οὔτε μεταθεῖναι ῥᾴδιον οὔτε λυπεῖν ἀναγκαῖον. (ΑΥΤΟΒΥΛΕ) Ὀρθῶς παραινεῖς· ἀλλ' Εὐβίοτον μὲν εὖ οἶδα καὶ τὸν ἐμὸν ἀνεψιὸν Ἀρίστωνα, τούς τε Διονυσίου παῖδας ἀπὸ Δελφῶν, Αἰακίδην καὶ Ἀριστότιμον τοῦτον, εἶτα Νίκανδρον τὸν Εὐθυδάμου, χερσαίας « δαήμονας » ἄγρας ὡς Ὅμηρος ἔφη, καὶ διὰ τοῦτο πρὸς Ἀριστοτίμου γενησομένους· (...)

 

[965] (...) Car ce n'est pas l'usage même des animaux qui en soi est injuste; c'est l'abus qu'on en fait, c'est la violence, c'est la barbarie avec laquelle on les traite. (SOCLARUS) Arrêtez-vous, Autobule, et renvoyez à une autre fois votre accusation. Je vois venir plusieurs jeunes gens, tous grands chasseurs, qu'il ne serait pas facile de remettre à un autre jour, et qu'il ne faut pas offenser. (AUTOBULE) Vous me donnez un bon avis. Je reconnais parmi eux Eubiotus et mon ami Ariston, les deux fils de Dionysius de Delphes, Eacidès et Aristotime, et enfin Nicandre, fils d'Euthydamus, "Tous habiles chasseurs", comme dit Homère, et qui, par cette raison, se rangeront du côté d'Aristotime. (...)

 


B. Puech date ce dialogue des années 80-90 d'après la mention d'Eubiotos, Aristotimos et Nicandros. Eubiotos faisait partie de la grande famille de notables d'Hypata, les Kylloi et les Eubiotoi à laquelle Nicholas V. Sekunda a consacré un article en 1997. Il s'agit de T. Flavius Eubiotos, personnage important à Delphes à l'époque d'Hadrien. Il occupa également des fonctions importantes dans sa cité d'origine, comme en témoigne une inscription d'Hypata (IG IX 2, 44)

 

Bernadette Puech. Prosopographie des amis de Plutarque. 1992