sophocle, électre

 

Sophocle, né à Colone en -495 et mort en -406, est l'un des trois grands dramaturges grecs dont l'œuvre nous est partiellement parvenue, avec Eschyle et Euripide. Il est principalement l'auteur de cent vingt-trois pièces (dont une centaine de tragédies), mais dont seules huit nous sont parvenues. Dans l'une d'elle, Electre, apparaît un Ainiane, caractérisé par sa fougue et son manque de mesure, entraînant un accident mortel.


Texte grec : site de Philippe Remacle

Traduction française : Philippe Renault (site de Philippe Remacle) sauf le vers 706, qui me semble fautif et dont je donne une traduction personnel en bas du texte français.

 


Oreste est de retour à Mycène après un long exil, prêt à assouvir sa vengeance contre les meurtriers de son père Agamemnon, à savoir sa propre mère et son amant. Oreste envoie son précepteur espionner la situation au palais et répandre la fausse nouvelle de la mort d'Oreste, soi-disant victime d'un accident de char lors des jeux Pythiques.

Dans le temple d'Apollon, Clytemnestre et sa fille, Electre, qui n'a jamais pardonné à sa mère son crime, viennent de se disputer violemment, tandis que survient le précepteur qui se fait passer pour un envoyé de la cité alliée de Phanotée de Phocide. Il annonce la mort d'Oreste et, à la demande de la reine, détaille les circonstances, devant Electre anéantie par la nouvelle.

κεῖνος γὰρ ἄλλης ἡμέρας, ὅθ᾽ ἱππικῶν

ἦν ἡλίου τέλλοντος ὠκύπους ἀγών,

700 εἰσῆλθε πολλῶν ἁρματηλατῶν μέτα.

εἷς ἦν Ἀχαιός, εἷς ἀπὸ Σπάρτης, δύο

Λίβυες ζυγωτῶν ἁρμάτων ἐπιστάται·

κἀκεῖνος ἐν τούτοισι, Θεσσαλὰς ἔχων

ἵππους, ὁ πέμπτος· ἕκτος ἐξ Αἰτωλίας

705 ξανθαῖσι πώλοις· ἕβδομος Μάγνης ἀνήρ·

ὁ δ᾽ ὄγδοος λεύκιππος, Αἰνιὰν γένος·

ἔνατος Ἀθηνῶν τῶν θεοδμήτων ἄπο·

Βοιωτὸς ἄλλος, δέκατον ἐκπληρῶν ὄχον.

στάντες δ᾽ ἵν᾽ αὐτοὺς οἱ τεταγμένοι βραβῆς

710 κλήροις ἔπηλαν καὶ κατέστησαν δίφρους,

χαλκῆς ὑπαὶ σάλπιγγος ᾖξαν· οἱ δ᾽ ἅμα

ἵπποις ὁμοκλήσαντες ἡνίας χεροῖν

ἔσεισαν· ἐν δὲ πᾶς ἐμεστώθη δρόμος

κτύπου κροτητῶν ἁρμάτων· κόνις δ᾽ ἄνω

715 φορεῖθ᾽· ὁμοῦ δὲ πάντες ἀναμεμιγμένοι

φείδοντο κέντρων οὐδέν, ὡς ὑπερβάλοι

χνόας τις αὐτῶν καὶ φρυάγμαθ᾽ ἱππικά.

ὁμοῦ γὰρ ἀμφὶ νῶτα καὶ τροχῶν βάσεις

ἤφριζον, εἰσέβαλλον ἱππικαὶ πνοαί.

720 κεῖνος δ᾽ ὑπ᾽ αὐτὴν ἐσχάτην στήλην ἔχων

ἔχριμπτ᾽ ἀεὶ σύριγγα, δεξιὸν δ᾽ ἀνεὶς

σειραῖον ἵππον εἶργε τὸν προσκείμενον.

καὶ πρὶν μὲν ὀρθοὶ πάντες ἕστασαν δίφροι·

ἔπειτα δ᾽ Αἰνιᾶνος ἀνδρὸς ἄστομοι

725 πῶλοι βίᾳ φέρουσιν· ἐκ δ᾽ ὑποστροφῆς

τελοῦντες ἕκτον ἕβδομόν τ᾽ ἤδη δρόμον

μέτωπα συμπαίουσι Βαρκαίοις ὄχοις·

κἀντεῦθεν ἄλλος ἄλλον ἐξ ἑνὸς κακοῦ

ἔθραυε κἀνέπιπτε, πᾶν δ᾽ ἐπίμπλατο

730 ναυαγίων Κρισαῖον ἱππικῶν πέδον.

Le lendemain, à l'aube,

Allait se disputer l'épreuve de la course

Des chars. Et notre cher Oreste entra en lice

Avec d'autres cochers : l'un était d'Achaïe,

L'autre de Sparte, les deux autres de Libye,

Maîtres de l'attelage. Il était le cinquième,

Et il prit place avec des juments thessaliennes.

Le sixième venait d'Étolie aux cavales

Luisantes ; le septième, issu de Magnésie ;

Le huitième, un Énien, à la tempe blanchie ; *

Le neuvième, un natif d'Athènes, la cité

Née des dieux. Pour finir, un char de Béotie,

Bref dix chars au départ. Tous étaient alignés

À l'endroit désigné au sort par les arbitres.

Au signal du clairon d'airain, tous s'élancèrent.

En criant, leurs chevaux tout à coup s'excitèrent.

Les rênes dans leurs mains se mirent à vibrer,

L'espace retentit du grondement des chars,

Et s'éleva soudain un grand vent de poussière.

Tous firent un usage aisé de l'aiguillon

Pour forcer les essieux et les chars hennissants,

Si bien que sur les dos, l'haleine chevaline

Écoulait son écume. Et Oreste, atteignant

La borne du virage, au bout de sa lancée,

L'effleurait du moyeu, donnant un peu de leste

À son cheval de droite, et contenant celui

De gauche, qui tournait. À ce moment, les chars

Étaient actifs. Et puis, très vite les chevaux

De l'Énien, à la fin du sixième passage,

S'énervèrent, au point d'être rétifs au mors :

Ils heurtèrent de front l'un des chars du Libyen.

Ce fut alors le choc de tous les véhicules

Réduits en un éclair à l'état de ferraille,

Par la faute d'un seul ! Et bientôt l'hippodrome

Fut jonché des débris de cette charrerie.

 

* NDA Je propose ici plutôt :

le huitième, aux chevaux blancs, Éniane de naissance ;

Il n'est d'ailleurs pas anodin que les chevaux de l'Eniane soient blancs. Fantasmagorique et psychopompe, le cheval blanc est un symbole de mort dans l'antiquité grecque.


 

Aux vers 706 et 724 d'Electre, le huitième concurrent de la course de char est dit Αἰνιὰν γένος, que Masqueray traduit "originaire d'Aenia", le dictionnaire Bailly précisant d'"Aenia, en Etolie". Or rien ne prouve l'existence d'une ville d'Etolie nommée Aenia. Le conducteur de char n'est donc pas Etolien (ce qui serait absurde puisqu'il y a un autre concurrent Etolien), mais Eniane (Daux Georges. Note sur Sophocle, Electre, 706 et 724. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 70, 1946. pp. 106-107.).

La forme Αἰνιὰν me semble être le nominatif neutre singulier d'un adjectif de type μέλας, μέλαινα, μέλαν, noir, accordé à γένος, signifiant "Eniane".