Stéphane de Byzance, éthniques

 

Stéphane de Byzance, appelé aussi Étienne de Byzance, était un écrivain byzantin du VIe siècle. Il est l'auteur d'un lexique géographique dédié à l'empereur Justinien vers 528–535, les Ethniques, dont une thèse récente montre que la plupart des informations proviendrait d'un lexique-source daté des environs du milieu du IIe siècle de notre ère.

L'Épitomé des Ethniques de Stéphane de Byzance comme source historique : l'exemple de l'Europe occidentale, Marc Bouiron, Université Nice Sophia Antipolis, 2014.



[Y649.22] Ὑπάτη, πόλις Αἰνιάνων. λέγεται δὲ καὶ Ὕπατα, ἔστι καὶ χώρα πλησίον Σαγγάρου ποταμοῦ. τὸ ἐθνικὸν Ὑπαταῖος καὶ Ὑπαταία καὶ Ὑπατεύς.

 

[Y649.22] Hypatè, ville des Ainianes. On l'appelle aussi Hypata, et sa campagne avoisine le fleuve Saggaros (?). Nom des habitants : Hypataios / Hypataia ou Hypateus.


C'est la première fois que j'entends parler d'un fleuve Saggaros aux environs d'Hypata. S'agirait-il d'un autre nom du Spercheios ?

Grâce à l'aide généreuse de mon ancien directeur de recherche, Laurent Pernot de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, j'ai pu trouver que la phrase λέγεται δὲ καὶ Ὕπατα, ἔστι καὶ χώρα πλησίον Σαγγάρου ποταμοῦ était dèja présente dans le texte d'Aelius Herodianus (le grammairien), dans son traité d'accentuation grecque Sur la prosodie générale. Stéphane de Byzance copierait donc ici le texte du grammairien du IIe siècle ou une source commune perdue. Même si nous avons deux sources, cela ne prouve pas l'existence du fleuve Saggaros en Thessalie. 

Par contre, il est intéressant de noter qu'Herodianus, auteur du IIe siècle, alors qu'Hypata se développe dans Grèce romanisée, nomme la ville "Hypatè, ville des Ainianes" et non "Hypata, ville de Thessalie", alors même que dans sa longue liste des noms de ville, il préfère donner la localisation plutôt que le nom des habitants la peuplant. Pour l'auteur, plus qu'une ville de Thessalie (ce qui d'ailleurs serait inexacte car la cité n'a pas toujours appartenu à cette région) Hypata est la ville des fameux Ainianes, idée que l'on retrouve aussi chez Héliodore.

 

On trouve également dans le même texte une entrée à Ainia et Ainos :

 

[A51.2] Αἰνία, διὰ τοῦ 'ι', πόλις Περραιβῶν, καὶ Αἰνιᾶνες οἱ οἰκοῦντες καὶ Αἴνιος ποταμὸς αὐτῆς. λέγονται δὲ καὶ Αἰνιεῖς. ἐκαλοῦντο δὲ καὶ Μηλιεῖς οἱ αὐτοί. Στράβων δὲ ἐν τῇ ἑνδεκάτῃ φησὶν ἐν τῷ Πόντῳ Αἰνιᾶνας ἄλλους εἶναι, οὓς καλεῖσθαι νῦν Παρσίους. τὸ ἐθνικὸν Αἰνιάν. καὶ εἰ μὲν ἀπὸ τοῦ κυρίου Αἰνιᾶνος γέγονεν, εὔλογος ἡ ὁμοφωνία αὐτοῦ, ὡς τὸ Τρώς καὶ Ἀχαιός, μὴ ὁμοφωνοῦντος τοῦ Τευκρός καὶ Γραικός· εἰ δὲ παρὰ τὴν πόλιν, εὑρεθήσεται πρότερον Αἴνιος, ὡς τῆς Λυκίας Λύκιος, εἶτα διὰ τὴν ὁμωνυμίαν τοῦ ποταμοῦ πρὸς διάκρισιν Αἰνιάν γενέσθαι, ὡς μέγιστος μεγιστάν. τὸ θηλυκὸν Αἰνιανίς, ὡς Βιστονίς. καὶ τὸ κτητικὸν Αἰνιακὸς κόλπος.

 

[A51.2] Ainia, écrit avec un iota : cité des Perrhèbes, les Ainianes, qui l'habitent, et Ainios, son fleuve. On les appelle également "Ainieis". On les nomme aussi "Malieis". Strabon, au livre XI de la Géographie dit qu'il y a d'autres Ainianes en mer Noire, aujourd'hui nommés Parses. L'ethnique "Ainian" : s'il vient du nom propre Ainiane, il s'agit vraisemblablement de son homophone, comme Troyen et Achéen, bien que Teucrien et Grec ne sonnent pas pareil ; si l'on est près de la cité, on trouvera d'abord "Ainios", comme quelq'un de Lycie, "Lycios", ensuite, pour éviter l'homophonie avec le fleuve, "Ainian" est apparu, comme "megistan" de "megistos". Il y a le feminin "Ainianis", comme le féminin "bistonis", et l'adjectif d'appartenance "Ainiakos" pour le golfe Ainiaque [NDA : golfe Maliaque aujourd'hui]. 

 


Sur les Ainianes en mer Noire, regarder la page consacrée à Strabon.

Le parallèle entre Ainieis et Malieis implique qu'il s'agit ici des Ainianes de la vallée du Sperchios qui donne sur le golfe Maliaque.

 

[A51.14] Αἶνος, πόλις Θρᾴκης, ὁ ἀπὸ ταύτης Αἴνιος, καὶ Αἰνόθεν τοπικὸν ἐπίρρημα. Ἄψινθος καλουμένη. Στράβων ζʹ "ἐν δὲ τῇ ἐκβολῇ τοῦ Ἕβρου διστόμου ὄντος πόλις Αἶνος, κτίσμα [Μιτυληναίων καὶ] Κυμαίων". κληθῆναι δὲ αὐτὴν ὅτι πλησίον τῆς Ὄσσης ἦν Αἴνιος ποταμὸς καὶ κώμη ὁμώνυμος. οἱ δὲ ἀπὸ τοῦ Αἴνου τοῦ Γουνέως ἀδελφοῦ. [...]

 

Ainos, cité de Thrace, d'où vient "Ainios" et l'adverbe de lieu "Ainothen". Elle est appelée Apsinthos. Strabon, livre VII (de la Géographie) : "à l'embouchure en patte d'oie de l'Hèbre, la ville d'Ainos, établissement des Cyméens". Elle est ainsi appelée parce que près du mont Ossa, il y avait un fleuve Ainios et un village du même nom. Or ce sont les descendants d'Ainos, frère de Gouneus [...].

 


La ville d'Ainos est l'actuelle Enez en Turquie, située à l'embouchure du fleuve Maritsa (Hèbre dans l'Antiquité).

Gouneus est également lié aux Ainianes qui l'accompagnent dans le Catalogue des vaisseaux de l'Iliade d'Homère.

Concernant les Ainianes du mont Ossa et de la plaine Dotion, selon M. Mili, une série d'inscriptions religieuses trouvées à Mikro Keserli, actuelle Etateia ( IG IX,2 1057 à  IG IX,2 1073) témoignant d'une résurgence de l'ethnicité Ainiane entre le IIe siècle avant J.-C. et le Ier siècle avant J.-C. . Cette esprit va de pair avec la commémoration des victoires Romaines. Il est intéressant de remarquer que les formes Αἴνειος et Αἰνέα rappellent aussi le nom d'Enée, le héros fondateur de Rome qui a lui aussi des connections en Thrace. A travers ces dédicaces, les dédicataires s'affirment à la fois comme Thessaliens, Ainianes et Romains. 

 

The Thessalian Ainians Or the Ainians of Thessaly? Dedications and Games Of Identity in Roman Thessaly, Maria Mili, Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, Bd. 176 (2011), pp. 169-176