heliodore, les éthiopiques

Le cortège des Thessaliens et de Chariclée lors du Triomphe de Diane, Ambroise Dubois, Château de Fontainebleau
Le cortège des Thessaliens et de Chariclée lors du Triomphe de Diane, Ambroise Dubois, Château de Fontainebleau

 

Héliodore d'Émèse est un écrivain de langue grecque ayant vécu au IIIe ou au IVe siècle, auteur d'un roman intitulé les Éthiopiques ou les Amours de Théagène et Chariclée. Ce roman grec rocambolesque débute dans le feu de l'action en Égypte : une belle jeune fille, Chariclée, soigne son amant gravement blessé, Théagène, sur une plage jonchée de cadavres. Par une suite de récits enchâssés, Héliodore nous ramène à la rencontre des deux jeunes gens, à Delphes, en Grèce. Le jeune homme, Théagène, est un Ainiane, peuple ayant pour capitale Hypata (la cité n'est pas mentionnée dans le texte d'Héliodore). Si l’on considère le temps de la fiction, l’action est censée se passer durant la domination perse sur l’Égypte, c’est-à-dire entre 525 et 332 (Robiano, 2022).

 

Résumé du début du roman : Des brigands égyptiens trouvent les deux amants sur la plage et les ramènent comme captifs dans leur camp situé dans les marécages du delta du Nil. Confiés aux soins d'un esclave grec, Cnémon, qui leur raconte ses misères, victime d'une belle-mère amoureuse. Thyamis, influencé par un rêve, se met en tête d'épouser Chariclée, qui fait semblant d'accepter pour son propre salut et celui de son amant. Le camp est attaqué par les ennemis de Thyamis qui fait enfermer Chariclée dans son repaire. Réalisant qu'il a mal interprété son rêve, il décide de mettre fin aux jours de sa “fiancée”, avant d'être lui-même tué dans le combat.

Cnémon et Théagène, qui s'étaient cachés pendant la bataille, vont retrouver Chariclée dans le repaire. La morte est en fait Thisbé, l'ancienne maîtresse de Cnémon, qui, après l'avoir trahi, l'a vengé de sa belle-mère. Cnémon, qui s'est séparé du couple pour fuir le pays des brigands, rencontre un vieillard d'apparence grecque, du nom de Calasiris. Ce dernier se trouve être le tuteur de Chariclée et cherche les jeunes gens. A Delphes, où il enseignait la culture égyptienne, Chariclès, prêtre d'Apollon, lui a confié la jeune fille aux origines mystérieuses, trouvée à 7 ans, alors qu'il voyageait en Égypte. Rebelle au mariage, son père adoptif espère que Calasiris saura la convaincre.


Texte grec : Héliodore. Les Ethiopiques. Théagène et Chariclée. Tome I, livre I-III. Texte établi par R. M. Rattenbury et Rèv. T. W. Lumb et traduit par J. Maillon, 1960, Paris. Les Belles Lettres, 2011.

Traduction française : personnelle (en cours)


[2,34] Καὶ ἔτι περὶ τούτων διασκοπουμένων ἡμῶν εἰσδραμών τις ἀπήγγελλε τὸν ἀρχιθέωρον τῶν Αἰνιάνων ἐπὶ θύραις ὄντα πάλαι δι´ ὄχλου παρακαλεῖν τὸν ἱερέα παρεῖναι καὶ κατάρχειν τῶν ἱερῶν. Ἐμοῦ δὲ ἐρομένου τὸν Χαρικλέα τίνες οἱ Αἰνιᾶνες ἢ τίς ἡ θεωρία καὶ ἣν ἄγουσι θυσίαν «οἱ μὲν Αἰνιᾶνες» ἔφη «Θετταλικῆς ἐστι μοίρας τὸ εὐγενέστατον καὶ ἀκριβῶς Ἑλληνικὸν ἀφ´ Ἕλληνος τοῦ Δευκαλίωνος, τὸ μὲν ἄλλο τῷ Μαλιακῷ κόλπῳ παρατεινόμενον μητρόπολιν δὲ σεμνυνόμενον Ὑπάταν, ὡς μὲν αὐτοὶ βούλονται ἀπὸ τοῦ τῶν ἄλλων ὑπατεύειν καὶ ἄρχειν ὠνομασμένην ὡς δὲ ἑτέροις δοκεῖ διότι περ ὑπὸ τῇ Οἴτῃ τῷ ὄρει κατῴκισται. Ἡ δὲ θυσία καὶ ἡ θεωρία, τετραετηρίδα ταύτην, ὅτε περ καὶ ὁ Πυθίων ἀγών, ἔστι δὲ νῦν ὡς οἶσθα, πέμπουσιν Αἰνιᾶνες Νεοπτολέμῳ τῷ Ἀχιλλέως· ἐνταῦθα γὰρ ἐδολοφονήθη πρὸς αὐτοῖς τοῖς τοῦ Πυθίου βωμοῖς ὑπ´ Ὀρέστου τοῦ Ἀγαμέμνονος. Ἡ δὲ νυνὶ θεωρία καὶ πλεονεκτεῖ τὰς ἄλλας, Ἀχιλλείδης γὰρ εἶναι σεμνύνεται ὁ τῆς θεωρίας ἐξάρχων· συνέτυχον γὰρ τῇ προτεραίᾳ τῷ νεανίσκῳ καί μοι ἀληθῶς ἔδοξε τοῖς Ἀχιλλείδαις ἐμπρέπειν, τοιοῦτός ἐστι τὴν μορφὴν καὶ τοσοῦτος ἰδεῖν τὸ μέγεθος ὡς βεβαιοῦν τῇ θέᾳ τὸ γένος.» Ἐμοῦ δὲ θαυμάσαντος καὶ πῶς Αἰνιάνων γένος τυγχάνων Ἀχιλλείδην ἑαυτὸν ἀναγορεύει φήσαντος, ἡ γὰρ Ὁμήρου τοῦ Αἰγυπτίου ποίησις τὸν Ἀχιλλέα Φθιώτην ἐνδείκνυται, «ὁ μὲν νεανίσκος» ἔφη ὁ Χαρικλῆς «καὶ ὁλοσχερῶς Αἰνιᾶνα εἶναι τὸν ἥρωα διαγωνίζεται, τὴν Θέτιν ἐκ τοῦ Μαλιακοῦ κόλπου γήμασθαι τῷ Πηλεῖ καὶ Φθίαν τὸ περὶ τὸν κόλπον τοῦτον ὀνομάζεσθαι πάλαι διατεινόμενος, τοὺς δὲ ἄλλους δι´ εὐδοξίαν τοῦ ἀνδρὸς ἐφελκομένους ἑαυτοῖς ἐπιψεύδεσθαι. Καὶ ἄλλως δὲ ἑαυτὸν ἐγγράφει τοῖς Αἰακίδαις Μενέσθιον ἑαυτοῦ προπάτορα καταφέρων τὸν Σπερχειοῦ παῖδα καὶ Πολυδώρας τῆς ἐκ Πηλέως, ὃς καὶ Ἀχιλλεῖ συνεστράτευσεν ἐν πρώτοις ἐπὶ Ἴλιον καὶ τῆς πρώτης τῶν Μυρμιδόνων διὰ τὸ συγγενὲς ἐξῆρχε μοίρας. Τῷ δ´ Ἀχιλλεῖ πάντοθεν περιφυόμενος καὶ πανταχόθεν αὐτὸν τοῖς Αἰνιᾶσιν οἰκειούμενος τεκμήριον λαμβάνει πρὸς τοῖς ἄλλοις οἷς καταλέγει καὶ τὸν ἐναγισμὸν τὸν Νεοπτολέμῳ πεμπόμενον οὗ σύμπαντες, ὥς φησιν, Αἰνιᾶσιν ἐξεχώρησαν Θετταλοί, τὸ ἐγγυτέρους εἶναι τοῦ γένους προσμαρτυροῦντες.» «Ἐκείνοις μὲν οὖν οὐδεὶς φθόνος» ἔφην «ὦ Χαρίκλεις, ἢ χαρίζεσθαι ταῦτα ἢ καὶ ἐπαληθεύειν ἑαυτοῖς, τὸν δὲ ἀρχιθέωρον εἰσκαλεῖσθαι πρόσταξον, ὡς ἔγωγε αὐτοῦ μανικῶς ἀνεπτέρωμαι πρὸς τὴν θέαν.»

[2,34] Alors que nous [NDA : Chariclès et Calasiris] étions encore en train d'examiner le sujet de long en large, quelqu'un accourant annonça que le chef de la délégation sacrée des Ainianes, étant aux portes depuis longtemps, importunait le monde à réclamer que le prêtre arrive et mène les cérémonies. Mais moi, demandant à Chariclès qui sont ces Ainianes et cette délégation sacrée, quel genre de sacrifice ils ont en charge, il explique : " Les Ainianes sont de la plus noble origine en Thessalie et authentiquement Héllènes puisque descendants d'Hellen, fils de Deucalion, ensuite ils habitent le long du golfe maliaque et s'enorgueillissent d'avoir pour capitale Hypata, nommée ainsi, comme ils le voudraient eux-même, du fait qu'elle domine et commande aux autres [NDA : hypateuein = dominer], mais selon les autres parce qu'elle est située au pied du mont Oeta [NDA : hypo tè Oitè = au pied du mont Oeta]. Quant au sacrifice, les Ainianes envoient une délégation sacrée tous les quatre ans, en l'honneur de Néoptolème, fils d'Achille, en même temps que les jeux pythiques, qui ont lieu maintenan comme tu le sais. Car c'est ici, sur l'autel même d'Apollon Pyhtien, qu'il a été assassiné traitreusement par  Oreste, fils d'Agamemnon. Et la délégation actuelle a plus d'importance que les autres car  celui qui la conduit peut se vanter de descendre d'Achille. En effet, j'ai rencontré le jeune homme la veille et il m'a semblé vraiment convenir à la lignée d'Achille ; il est si beau d'apparence et si grand de taille que sa naissance est assurément le fait d'une déesse." Etonné, je lui demande comment, se trouvant né Ainiane, il peut se proclamer descendant d'Achille, puisque le poème d'Homère l'Egyptien désigne Achille comme originaire de Phthiotide. "Le jeune homme, me répondit Chariclès, et les siens soutiennent en bloc que le héros est Ainiane, maintenant obstinément que Thétis, sortie du golfe Maliaque, s'est unie à Pèlée, que la région aux environs de ce golfe s'appelait autrefois Phthie et que les autres , attirés par la célébrité d'Achille, se le sont faussement attribué.  Il s'inscrit également comme descendant des Eacides, ramenant à lui Ménesthios comme ancêtre, étant fils de Sperchéios et Polydôras, fille de Pèlée, qui a combattu en première ligne avec Achille lui-même à Troie et qui a commandé le premier corps des Myrmidons à cause de sa parenté avec le héros. Et s'attachant de toutes parts à Achille et se l'appropriant à tous les niveaux pour les Ainianes, il invoque, entre autres preuves, l'offrande même envoyée à Neoptolème, que tous les Thessaliens, dit-il, ont abandonnée aux Ainianes, reconnaissant par là qu'ils tenaient de plus près au héros." "A tout cela, dis-je, je n'ai aucune objection à faire, cher Chariclès, soit qu'ils se flattent, soit que leurs prétentions aient un fondement véritable. Mais faites introduire le chef de la délégation ; car je brûle de le voir. "


  • τὸν ἀρχιθέωρον τῶν Αἰνιάνων, "le chef de la délégation sacrée des Ainianes" : à l'occasion des jeux Pythiques, chaque cité envoyait une délégation religieuse appelée théoria. Théagène en est le chef, archithéôros, ce qui fait de Théagène un notable de sa cité, riche qui plus est, car sa charge était une liturgie, c'est à dire qu'elle impliqué des frais sur sa fortune personnelle.
  • τὸν ἱερέα, "le prêtre (d'Apollon)" : Héliodore n'est pas tendre avec lui. Chariclès semble peu zélé dans l'accomplissement de sa charge mais fort enclin à étaler sa sagesse. Delphes n'est pas seulement un sanctuaire ou un oracle, c'est aussi un lieu de rencontre d'intellectuels comme cela apparait dans les dialogues Pythiques de Plutarque, écrits au premier siècle alors que le philosophe était justement grand prêtre d'Apollon.
  • ἀφ´ Ἕλληνος τοῦ Δευκαλίωνος, "descendants d'Hellen, fils de Deucalion" : Apollodore le Mythographe (Pseudo-Apollodore) raconte l'histoire de Deucalion, fils de Prométhée, seul survivant, avec sa femme Pyrrha, du déluge envoyé par Zeus pour détruire la première génération d'hommes, grâce à une sorte d'arche. Après la catastrophe, le couple reçoit la mission de repeupler la terre en jetant des pierres qui se transforment en êtres humains. De leur union, naissent également des enfants dont Hellen est l'ainé (I, 7, 2).
  • τῷ Μαλιακῷ κόλπῳ παρατεινόμενον, "ils habitent le long du golfe maliaque" : cette definition peut étonner puisqu'entre les Ainianes et le golfe Maliaque se trouvent normalement les Maliens qui semblent ici avoir été absorbés par la puissance Ainiane ... ce qui n'a jamais été le cas. Approximation hyperbolique, le narrateur prouve ainsi l'association Ainianes = descendants d'Achille. Selon R. Bouchon : " (...) il use d’un syllogisme complexe, laissant entendre qu’ils ont toujours été là. Partant de l’équation Ainide = bords du golfe Maliaque = antique Phthie = royaume d’Achille, Héliodore, ou plutôt Chariklès ou plutôt Théagénès, en déduit une équivalence Achille-Ainide." (R. Bouchon, 2008)

 

Ainianes, Maliens et Oitiens (Wikipedia)
Ainianes, Maliens et Oitiens (Wikipedia)

  • Ὑπάταν, ὡς μὲν αὐτοὶ βούλονται ἀπὸ τοῦ τῶν ἄλλων ὑπατεύειν καὶ ἄρχειν ὠνομασμένην ὡς δὲ ἑτέροις δοκεῖ διότι περ ὑπὸ τῇ Οἴτῃ τῷ ὄρει κατῴκισται, "Hypata, nommée ainsi, comme ils le voudraient eux-même, du fait qu'elle domine et commande aux autres, mais selon les autres parce qu'elle est située au pied du mont Oeta" : l'explication étymologique alambiquée participe de l'humour du texte largement parodique. "L’étymologie faussement savante du nom de la capitale des Ainianes, Hypata, relève de la même idée : issu d’un des mots les plus banals de la langue grecque, l’adjectif hypatos, le sens du nom de la ville ne pose pas de problème, c’est Hauteville de l’Oita. Le texte comprend sa propre grille de lecture : tout cela est une construction, Théagénès est pris en flagrant délit de construction d’une mythidéologie, pour reprendre le mot de M. Detienne." (R. Bouchon, 2008)
    Apulée, au livre II des Métamorphoses, fait d'ailleurs un clin d'oeil à Héliodore dans la promotion de la ville par Byrrhène : longe cunctas ciuitates antecellimus, "nous l'emportons de loin sur toutes les cités" (2, 19, 5). Le verbe latin "antecello" correspond tout à fait au grec "hypateuein". Apulée, auteur de la deuxième moitié du IIe siècle ap. J-C, devait connaître Héliodore, mais s'attendait également à ce que ses lecteurs l'aient lu pour apprécier la référence. La popularité des Ethiopiques devait être encore vive sous l'Empire.
  • τῇ θέᾳ τὸ γένος, "sa naissance est assurément le fait d'une déesse" : Achille est né de Thétis, qui n'est pas une déesse mais une nymphe. Cependant, Thétis a bien une grand-mère déesse : Téthys, divinité marine primordiale.
  • ἡ γὰρ Ὁμήρου τοῦ Αἰγυπτίου ποίησις, "le poème d'Homère l'Egyptien" : encore une surprise ! Homère serait ... égyptien ? En vérité, cette théorie est unique et n'apparaît que chez Héliodore qui s'explique un peu plus loin dans la bouche de Calasiris : Homère serait né à Thèbes en Egypte, de l'union d'une mortelle et d'Hermès, et son nom viendrait du grec "mèros", "cuisse", car une de ses jambes était couverte de poils, marque de sa semie-divinité. Exilé par son père à cause de cette difformité, il cacherait ses origines, pouvant ainsi se réclamer de partout (3, 14). Héliodore se moque ici de cette tendance des cités à s'approprier le célèbre poète. Il sera donc égyptien puisque le roman tourne autour de l'Egypte ! Lucien, dans le même ordre d'idée, en fera un babylonien (L'Histoire veritable, II, 20).

 

Texte grec : Héliodore. Les Ethiopiques. Théagène et Chariclée. Tome I, livre I-III. Texte établi par R. M. Rattenbury et Rèv. T. W. Lumb et traduit par J. Maillon, 1960, Paris. Les Belles Lettres, 2011.

Traduction française : Philippe Remacle

[2,35] Ἐπένευσεν ὁ Χαρικλῆς καὶ εἰσῆλθεν ὁ νεανίσκος Ἀχίλλειόν τι τῷ ὄντι πνέων καὶ πρὸς ἐκεῖνον τὸ βλέμμα καὶ τὸ φρόνημα ἀναφέρων· ὀρθὸς τὸν αὐχένα καὶ ἀπὸ τοῦ μετώπου τὴν κόμην πρὸς τὸ ὄρθιον ἀναχαιτίζων, ἡ ῥὶς ἐν ἐπαγγελίᾳ θυμοῦ καὶ οἱ μυκτῆρες ἐλευθέρως τὸν ἀέρα εἰσπνέοντες, ὀφθαλμὸς οὔπω μὲν χαροπὸς χαροπώτερον δὲ μελαινόμενος σοβαρόν τε ἅμα καὶ οὐκ ἀνέραστον βλέπων, οἷον θαλάσσης ἀπὸ κύματος εἰς γαλήνην ἄρτι λεαινομένης. (...)

 

[2,35] Chariclès fit un signe d'assentiment, et le jeune homme fut introduit. Quelque chose d'Achille respirait véritablement en lui ; il en avait le regard et la fierté ; il portait la tête haute ; ses cheveux, relevés sur le front, étaient négligemment rejetés en arrière ; son nez révélait un caractère impétueux; sa narine ouverte aspirait l'air en liberté ; ses yeux, d'un bleu tirant sur le noir, étaient doux et fiers en même temps, comme la mer au moment où le calme succède à la tempête. (...)


La description de Théagène n'est en effet pas sans rappeler la représentation du héros sur des monnaies de Larissa (voir ci-dessous), surtout la coiffure négligée qui dégage le front.

Monnaie de bronze de l'atelier de Larissa Cremaste, -302/-286, British Museum (1933,0214.516)
Monnaie de bronze de l'atelier de Larissa Cremaste, -302/-286, British Museum (1933,0214.516)

 

Achille n'est représenté que sur ce type de monnaie de Larissa à l'époque hellénistique. Mais, selon J. Pouilloux (1984), "au temps d'Hadrien encore, la confédération thessalienne dans son ensemble mit Achille à l'honneur en frappant des monnaies au type du héros coiffé d'un casque corinthien, tandis que le revers porte un cheval au trot." Je n'ai malheureusement pas pu trouvé de photo de ce type de monnaie.

Au livre VII, on a une autre description de Théagène dans la bouche de Cybèle, la vieille servante d'Arsacé, qui s'est prise de passion pour le jeune homme :

[7, 10] (...) Εὐρύς τις ἦν τὰ στέρνα καὶ τοὺς ὤμους καὶ τὸν αὐχένα ὄρθιον καὶ ἐλεύθερον ὑπὲρ τοὺς ἄλλους αἴρων καὶ εἰς κορυφὴν τοὺς ἅπαντας ὑπερέχων γλαυκιῶν τὸ βλέμμα καὶ ἐραστὸν ἅμα καὶ γοργὸν προσβλέπων, ὁ καταβόστρυχός που πάντως ἐκεῖνος τὴν παρειὰν ἄρτι ξανθῷ τῷ ἰούλῳ περιστέφων (...)

[7, 10] (...) Il est large de poitrine et d'épaules, il porte le cou droit, d'un air noble, au-dessus de tous, et domine les autres de la tête; il a les yeux bleus et son regard est à la fois amoureux et farouche, ses longues boucles encadrent ses joues où croît un duvet blond (...)


Ken Dowden a remarqué l'absence de couleur dans le roman d'Heliodore, à l'exception de deux adjectifs, qui concernent Théagène: glaukiôn, "bleu-gris" mais qui, qualifiant le regard et non les yeux, a plutôt la signification de "clair" ou "clairvoyant", et xanthos, "blond", qui est la couleur favorite de l'épopée, en particulier du héros Achille dont Théagène est l'image (7, 10).

 

Dowden Ken. Héliodore : une esthétique sans couleur. In : Lieux, décors et paysages de l’ancien roman des origines à Byzance. Actes du 2e colloque de Tours, 24-26 octobre 2002. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2005. pp. 43-55. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen ancien. Série littéraire et philosophique, 34)

 

[3, 1] Ἡγεῖτο μὲν ἑκατόμβη, τῶν τελουμένων ἀνδρῶν ἀγροικοτέρων βίον τε καὶ στολὴν ἐφελκομένων· τὸ μὲν ζῶμα ἑκάστῳ χιτῶνα λευκὸν εἰς ἀγκύλην ἀνέστελλε, χεὶρ δὲ ἡ δεξιὰ σὺν ὤμῳ καὶ μαζῷ παραγυμνουμένη πέλεκυν δίστομον ἐπεκράδαινεν. Οἱ βόες μέλανες πάντες, τὸν αὐχένα σφριγῶντες καὶ πρὸς κύρτωμα μέτριον ἐγείροντες, τὸ μὲν κέρας ἀπέριττον καὶ ἀδιάστροφον ὀξύνοντες ὁ μὲν ἐπίχρυσον ὁ δὲ ἀνθινοῖς στεφάνοις διάπλοκον, σιμοὶ τὴν κνήμην καὶ βαθεῖαν τὴν φάρυγγα τοῖς γόνασιν ἀπαιωροῦντες· ὁ δὲ ἀριθμὸς ἀκριβῶς ἑκατόμβη καὶ εἰς ἀλήθειαν τὸ ὄνομα πληροῦντες. Ἐπηκολούθει τούτοις ἄλλων ἱερείων διάφορον πλῆθος, ἑκάστου ζῴου γένος ἰδίᾳ καὶ εἰς κόσμον ἀγόμενον, αὐλοῦ καὶ σύριγγος τελεστικόν τι μέλος καὶ καταγγελτικὸν τῆς θυσίας ὑπαρχόντων.

 

[3, 1] En tête marchait l'hécatombe ; elle était conduite par des initiés, gens rustiques de mœurs et de costume. Chacun d'eux était revêtu d'une tunique blanche, relevée par un nœud à la ceinture. Le bras droit, complètement nu jusqu'à l'épaule et au sein, brandissait une bâche à double tranchant. Les bœufs, entièrement noirs, portaient majestueusement la tête ; leur col vigoureux s'arrondissait légèrement en voûte ; du front se détachaient des cornes exactement semblables et faiblement recourbées, les unes dorées, les autres enlacées de guirlandes de fleurs ; le pied large et court, le fanon épais et pendant jusque sur les genoux. Pour le nombre des victimes, c'était une véritable hécatombe, composée de cent bœufs comme l'indique le nom. Venait ensuite une multitude d'autres victimes de différentes espèces, chaque espèce marchant en ordre et à part. La flûte et le hautbois accompagnaient, en jouant un air mystique, prélude du sacrifice.


Le texte d'Héliodore est bien sûr excessif. Le terme ἑκατόμβη désignait en fait tout grand sacrifice et ne nécessitait pas cent boeufs. L'auteur joue ici sur l'étymologie du mot (ἑκατόμ = cent ; βη = boeufs). 

Cependant, lors de la "Grande fouille" de Delphes, en dégageant la zone du téménos de Néoptolème située au Nord du sanctuaire, on a constaté le 16 août 1894 "une large couche assez épaisse de cendres mélangées à une grande quantité de menus débris d'os". Il n'est donc pas impossible que l'on y ait procédé à de grands sacrifices. (J. Pouilloux, 1984)

 

La description de la procession qui suit a tout d'une ekphrasis, la description d'oeuvre d'art, exercice de style populaire dans la rhétorique antique. On croirait admirer la frise des Panathénées qui ornait le Parthénon, et que tous les lettrés comme Héliodore avaient pu voir dans la capitale culturelle de la Grèce romaine ...

Malgré la notoriété des Ainianes et de leur capitale Hypata vers le IIe-IIIe siècle de notre ère, on imagine mal qu'une cité secondaire puisse se permettre un sacrifice égalant celui d'Athènes à son heure de gloire.

 

[3,2] Ταύτας τὰς ἀγέλας καὶ τοὺς ἄνδρας τοὺς βοηλάτας κόραι Θετταλαὶ διεδέχοντο καλλίζωνοί τινες καὶ βαθύζωνοι καὶ τὴν κόμην ἄνετοι· διῄρηντο δὲ εἰς δύο χορούς, καὶ αἱ μὲν ἔφερον καλαθίσκους - ὁ πρῶτος χορός - ἀνθέων τε καὶ ὡραίων πλήρεις, αἱ δὲ κανᾶ πεμμάτων τε καὶ θυμιαμάτων κανηφοροῦσαι τὸν τόπον εὐωδίᾳ κατέπνεον. Ἠσχόλουν δὲ οὐδὲν εἰς ταῦτα τὰς χεῖρας ἀλλ´ ὑπὲρ τῆς κεφαλῆς ἀχθοφοροῦσαι πρὸς χορὸν στιχήρη καὶ ἐγκάρσιον ἀλλήλων εἴχοντο, ὡς ἂν βαδίζειν τε ἅμα καὶ χορεύειν αὐταῖς ἐγγίνοιτο. Τοῦ δὲ μέλους αὐταῖς τὸ ἐνδόσιμον ὁ ἕτερος χορὸς ὑπεσήμαινεν, οὗτος γὰρ τὸν ὅλον ἐπετέτραπτο μελῳδεῖν ὕμνον·ὁ δὲ ὕμνος ἦν, ἡ Θέτις ἐπῃνεῖτο καὶ ὁ Πηλεὺς κἀπὶ τούτοις ὁ ἐκείνων παῖς καὶ ὁ τούτου πάλιν. (...)

 

[3,2] Après les troupeaux et leurs conducteurs, marchaient des jeunes filles thessaliennes, à la taille gracieuse et élancée, aux cheveux flottants. Elles formaient deux chœurs : le premier portait des paniers de fleurs et de fruits ; le second, des corbeilles remplies de gâteaux et de parfums qui embaumaient l'air à l'entour. Ces offrandes n'embarrassaient pas leurs mains; elles les portaient sur la tête. Rangées en longues files, les unes droites, les autres obliques, elles se tenaient par la main, avançant et dansant tout ensemble. Le premier chœur marquait la cadence par ses chants ; sa seule fonction était de chanter l'hymne sacré. Le sujet était l'éloge de Thétis et de Pelée, puis de leur fils, puis du fils d'Achille.


[3,3] (...) Τοσοῦτον δέ τι ἐμμελείας περιῆν τοῖς χοροῖς καὶ οὕτω συμβαίνων ὁ κρότος τοῦ βήματος πρὸς τὸ μέλος ἐρρυθμίζετο, ὡς τὸν ὀφθαλμὸν τῶν ὁρωμένων ὑπερφρονεῖν ὑπὸ τῆς ἀκοῆς ἀναπείθεσθαι καὶ συμπαρέπεσθαι μεταβαινούσαις ἀεὶ ταῖς παρθένοις τοὺς παρόντας, ὥσπερ ὑπὸ τῆς κατὰ τὴν ᾠδὴν ἠχοῦς ἐφελκομένους, ἕως κατόπιν ἐφήβων ἱππικὸν καὶ ὁ τούτων ἵππαρχος ἐκλάμψας ἀκοῆς κρείττονα πάσης τὴν τῶν καλῶν θέαν ἀπέδειξεν. Ὁ μὲν ἀριθμὸς τοὺς ἐφήβους εἰς πεντήκοντα συνέταττεν, ἐμέριζε δὲ πέντε καὶ εἴκοσιν ἑκατέρωθεν μεσεύοντα τὸν ἀρχιθέωρον δορυφοροῦντας· κρηπὶς μὲν αὐτοῖς ἱμάντι φοινικῷ διάπλοκος ὑπὲρ ἀστραγάλων ἐσφίγγετο, χλαμὺς δὲ λευκὴ περόνῃ χρυσῇ πρὸς τοῖς στέρνοις ἐσφήκωτο τὴν εἰς ἄκρον πέζαν κυανῇ τῇ βαφῇ κεκυκλωμένη. Ἡ δὲ ἵππος Θετταλικὴ μὲν πᾶσα καὶ τῶν ἐκεῖθεν πεδίων τὸ ἐλεύθερον βλέπουσα· τὸν γὰρ χαλινὸν ὅσα μὲν δεσπότην ἠρνεῖτο διαπτύουσα καὶ θαμὰ προσαφρίζουσα, ὡς δὲ τὸν νοῦν ὑφηγούμενον τοῦ ἀναβάτου φέρειν ἠνείχετο· φαλάροις δὲ καὶ προμετωπιδίοις ἀργυροῖς καὶ ἐπιχρύσοις ἐξησκημένη, καθάπερ ἀγώνισμα τοῦτο τῶν ἐφήβων πεποιημένων. (...)

 

[3,3] (...) Il y avait dans ces chœurs tant d'harmonie et d'ensemble, les mouvements et la danse se mariaient si heureusement au chant, qu'on oubliait devoir, tout entier au plaisir de l'oreille, et que les assistants suivaient ces jeunes filles à mesure qu'elles passaient devant eux, comme entraînés irrésistiblement par cette douce harmonie. Mais quand arriva par derrière une troupe de jeunes cavaliers, avec leur brillant capitaine, on vit bien que le spectacle de ce qui est beau efface tous les plaisirs de l'oreille. Ils n'étaient en tout que cinquante, partagés en deux corps de vingt-cinq ; au milieu, le chef de l'ambassade sacrée, gardé par eux. Leurs sandales, formées de bandelettes de cuir rouge entrelacées, se serraient au-dessus de la cheville; une agrafe d'or retenait sur la poitrine leur manteau blanc, bordé tout autour d'une bande azurée. Leurs chevaux, tous, thessaliens, réfléchissaient dans leur regard la mâle liberté des plaines où ils avaient été nourris; ils mordaient le frein et le couvraient d'écume, comme s'ils se fussent indignés de sentir un maître; et pourtant ils obéissaient sans peine, dociles en quelque sorte à la pensée du cavalier qui les dirigeait. Leur front était orné d'aigrettes, de plaques brillantes, les unes d'argent, les autres dorées; il semblait qu'en cela chacun des jeunes gens eût voulu rivaliser de richesse. (...)