Les diplomates romains honorés à Hypata (1) : Quintus Caecilius Metellus

 

 

A la lecture d'un article de B. Helly sur les Italiens en Thessalie avant que Rome ne fasse de la Grèce une province de son empire, trois diplomates romains honorés à Hypata ont retenu mon attention :

  • Quintus Caecilius Metellus, vers 148/6 av. J.-C.
  • Lucius Licinius Lucullus, vers 87 av. J.-C.
  • Lucius Sempronius Vesta Atratinus, vers 40 av. J.-C.

Que faisaient ces personnages en Thessalie à ces trois moments de l'Histoire ? Et pourquoi la cité d'Hypata leur a-t-elle accordé ces décrets honorifiques ?

 

Pour lire l'article qui a servit de base à ce travail :

B. Helly, Italiens (Les) en Thessalie au IIe et au Ier siècle av. J.-C., Bourgeoisies (Les) municipales italiennes aux IIe et Ier s. av. J.-C. - Centre J. Bérard, Institut Français de Naples 7-10 déc. 1981, Colloques internationaux du CNRS no 609, Paris

 

Pour le contexte historique :

Edouard Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J. C), Points histoire, Seuil, 2003

 

Je vais me pencher aujourd'hui sur le premier des trois : Quintus Caecilius Metellus.

 

 

Le décret honorifique des Aenianes pour Metellus

 

Elle a été publiée dans Inscriptiones Graecae, IX, 2. Inscriptiones Thessaliae, ed. Otto Kern. Berlin 1908.

Je n'ai malheureusement pas de photo, ni de détails sur la pierre ...

 

IG IX,2 37

 

τὸ κοινὸν τῶν Αἰνιάνων

Κοίντον Καικέλιον Κο-

ίντου υἱὸν Μέτελλον ἀ-

ρετᾶς ἕνεκεν καὶ εὐνοί-

ας τᾶς εἰς αὑτούς.

 

« Le conseil des Ainianes, à Quintus Caecilius Metellus, fils de Quintus, pour ses services et sa bonté à leur égard »

 

Nous avons là un décret honorifique du conseil des Ainianes, ancien organe politique de la cité d'Hypata, disparu après son absorption dans la Confédération étolienne, puis remis en vigueur à l'époque romaine.

 

 

L'activité diplomatique et militaire de Metellus en Grèce

 

Sur la vie de Metellus, j'ai trouvé des informations sur les périodes qui nous interessant chez Pausanias et Velleius Paterculus. N'ayant pu me procurer à temps les éditions scientifiques, j'ai utilisé les ressources en ligne suivantes :

Quintus Caecilius Metellus était le fils de Quintus Caecilius Metellus, consul en 206 av. J.-C., de la famille influente des Caecilii Metelli. Il devait avoir la vingtaine lorsque le Sénat l'envoya enquêter en Macédoine (Pausanias VII, 8). En effet, à l'hiver -186/5, des ambassades thessaliennes, perrhèbes, athamanes et pergamiennes viennent à Rome, dénoncer les usurpations de Philippe V, allié des romains depuis sa défaite à Cynocéphales (197 av. J.-C.). A la discussion de Tempé au printemps 185 av. J.-C., les commissaires, sous la direction du jeune Metellus, exigent l'évacuation de toutes les places contestées. Après cela, Spartes profite de la présence de cette commission romaine pour en invoquer l'aide dans son conflit avec la Ligue Achéenne. Très tôt, Quintus Caecilius Metellus s'est donc impliqué dans les affaires de Grèce et s'est fait connaître en Thessalie.

 

Philippe V meurt en 179 av. J.-C.. Persée lui succède, et c'est bientôt de nouveau la guerre entre Rome et la Macédoine (-171/-167). A l'issue de ce troisième conflit, le royaume de Macédoine est démembrée en quatre Républiques. On peut imaginer que Metellus s'est battu ou a joué un rôle diplomatique pendant cette guerre, mais je n'ai trouvé rien ne le prouvant.

 

Dix ans plus tard, un certain Andriskos, aventurier de basse extraction se faisant passer pour Philippe, le fils de Persée et de Laodice, tente de s'emparer du pouvoir en Macédoine. Livré en 153 av. J.-C. aux Romains, qui ne voient pas en lui une menace sérieuse, il réussit à s'échapper d'Italie et se rend maître de la Macédoine. Menaçant ensuite la Thessalie en 149 av. J.-C., le Sénat se décide à envoyer une légion ... qui se fait massacrer. La région tombe au main du Pseudophilippe.

 

Au printemps 148 av. J.-C., Q. Caecilius Metellus, qui doit avoir maintenant la soixantaine, est envoyé avec deux légions et bat Andriskos dans la région de Pydna (V. Paterculus I, 11). La Macédoine, réduite en province romaine, perd alors la liberté qui lui avait été accordée en -167.

 

Tandis que Metellus menait la guerre en Macédoine, les Achéens ont pris les armes contre Sparte qui sont venus se plaindre auprès de leur défenseur romain (Pausanias, VII, 9). Le général ne pouvant quitter le front macédonien, a alors député une ambassade pour prier la Ligue Achéenne de faire une trêve en attendant les commissaires nommés par le Sénat (Pausanias VII, 13).

 

Cependant, avec l'arrivée à la tête des Achéens du belliqueux Critolaos, la temporisation romaine ne tient plus et la Ligue entre en guerre contre Sparte, et donc Rome. Pour Metellus, il s'agit d'ajouter à sa victoire contre la Macédoine, celle contre les Achéens, et ce avant l'arrivée du nouveau consul, Lucius Mummius, qui vient récolter les lauriers de la gloire en Achaïe (Pausanias VII, 15).

 

Dirigeant son armée vers le sud, Metellus commence par battre Critolaos à Scarphée (Skarphia moderne), et poursuit les fugitifs jusqu'à Chéronée. Daios prend le commandement de l'armée achéenne. Le général romain marche ensuite sur Thèbes, épargnant la ville, puis sur Mégare, qui se rend aussitôt. Nous avons d'ailleurs une inscription de la cité de Mégare honorant Q. Caecilius Metellus (IG VII 3490). Le peuple de Mégare le remercie pour les bienfaits qu'il a rendu à la cité.

 

Itinéraire de Metellus en 147 av. J.-C.
Itinéraire de Metellus en 147 av. J.-C.

 

Malheureusement pour Metellus, Mummius arrive dans le Golfe de Corinthe, pour prendre en main la suite des opérations (Pausanias VII,16).

 

Il est temps pour notre préteur de se retirer de la scène grecque. Ce qui ne signifie pas que sa carrière s'arrête là. A Rome, il obtient le triomphe et le surnom de « Macedonicus », brigue le consulat en 143 av. J.-C., et mène la campagne contre les Celtibères dans la péninsule Ibérique.

 

En Grèce, cependant, on ne l'oublie pas, comme en témoigne une inscription trouvée à Olympie en Elide (IG X,2 1 1031) : un macédonien, Damôn Nikanoros, originaire de Thessalonique, honore le consul (στρατηγὸν ὕπατον) Q. Caecilius Metellus pour la bienveillance dont il a fait preuve envers lui, sa patrie, le reste de la Macédoine et les autres grecs. On peut facilement dater cette inscription de 143 av. J.-C, année de son consulat.

 

Habile chef militaire, mais aussi général magnanime avec les vaincus, le personnage de Metellus contraste avec celui de son collègue Mummius, dont la violence lors de la prise de Corinthe restera dans les mémoires.

 

Tony Robert-Fleury, Le dernier jour de Corinthe, avant 1870, musée d'Orsay (source : Wikipedia)
Tony Robert-Fleury, Le dernier jour de Corinthe, avant 1870, musée d'Orsay (source : Wikipedia)

La datation du décret honorifique pour Metellus

 

Revenons maintenant à notre inscription. A quel moment les Ainianes ont-ils pu lui accordé ce décret honorifique ? Et pour quels services rendus à la cité d'Hypata ?

 

Metellus, on l'a vu, intervient dans la région à trois moments de sa vie.

  • En 185 av. J.-C., comme commissaire pour l'évacuation de cités prises par Philippe V ; mais la cité d'Hypata n'étant pas concernant par les usurpations macédonienne, il est peu probable qu'elle ait honoré d'un décret ce tout jeune politicien romain.
  • En 148 av. J.-C., contre Andriskos qui s'est emparé de la Thessalie ; Hypata se trouvant à la limite sud de la région, il est difficile de savoir si le Pseudophilippe était allé jusque là. Mais rien ne l'invalide non plus.
  • En 147 av. J.-C., Metellus en campagne contre les Achéens passe par le Golfe maliaque et donc à proximité d'Hypata ; cependant, cette cité n'étant pas sur l'axe routier principal, et le général étant pressé d'en découdre avec les Achéens, il est fort possible qu'il ne soit pas passé par Hypata ; ce qui n’empêche pas non plus la cité de lui faire honneur à distance.

Le décret honorifique pour Metellus n'indique pas, comme pour l'inscription de Mégare, en qualité de quoi (préteur ou consul) il est honoré, ce qui aurait pu nous aider à dater l'inscription. Le texte est aussi assez vague quant aux services rendus, ce qui m'amènerait à penser que les Ainianes l'ont voté à l'issue des évènements de 147 av. J.-C.. S'il s'agissait d'un remerciement pour une libération de la cité d'Hypata prise par Andriskos, j'imagine que l'inscription aurait été plus précise. A mon sens, Hypata honore globalement ce grand général romain, qui en a tant fait pour la région.

 

A travers Metellus, la cité réaffirme aussi son amitié pour le peuple romain, fait qui n'avait pas été évident jusqu'à récemment : le traité de paix romano-étolien n'a que 40 ans ! La nouvelle génération a bien compris que le vent a tourné définitivement en faveur des Romains.