Eupolemos vs Proxenos

 

Tite-Live évoque pour la dernière fois Hypata au livre XLI de l'Histoire Romaine, comme théâtre d'une guerre civile Étolienne. Le passage est assez précis et Tite-Live donne des noms. Pourrait-on croiser les sources concernant les personnages cités ?

 

Déclenchement d'une guerre civile à Hypata (- 175)

 

Nous sommes en 175 av. J.-C.. La supériorité militaire des Romains s'est imposée en Thessalie six ans plus tôt, et les Étoliens semblent avoir accepté tant bien que mal leur joug, malgré une énorme dette de guerre. Pourtant, la région connaît encore des troubles internes, comme en témoigne l'épisode relaté par Tite-Live.

 

[41, 25] Per haec tempora Aetolorum in semet ipsos uersus furor mutuis caedibus ad internecionem adducturus uidebatur gentem. Fessi deinde et Romam utraque pars miserunt legatos et inter se ipsi de reconcilianda concordia agebant ; quae nouo facinore discussa res ueteres etiam iras excitauit. Exulibus Hypataeis, qui factionis Proxeni erant, cum reditus in patriam promissus esset fidesque data per principem ciuitatis Eupolemum, octoginta inlustres homines, quibus redeuntibus inter ceteram multitudinem Eupolemos etiam obuius exierat, cum salutatione benigna excepti essent dextraeque datae, ingredientes portam, fidem datam deosque testis nequiquam inuocantes interfecti sunt. Inde grauius de integro bellum exarsit. C. Valerius Laeuinus et Ap. Claudius Pulcher et C. Memmius et M. Popilius et L. Canuleius missi ab senatu uenerant. Apud eos cum Delphis utriusque partis legati magno certamine agerent, Proxenus maxime cum causa, tum eloquentia praestare uisus est ; qui paucos post dies ab Orthobula uxore ueneno est sublatus ; damnataque eo crimine in exilium abiit.

[41, 25] A cette époque-là, un accès de folie meurtrière chez les Étoliens semblait conduire ce peuple à l'auto-destruction. Puis, fatigués, chaque partie envoya des légats à Rome, tandis qu'ils discutaient entre eux du rétablissement de la concorde ; mais pendant les pourparlers, un nouvel attentat réveilla les anciennes haines. On avait promis aux exilés d'Hypata, qui étaient du parti de Proxenos, le retour dans leur patrie sur la foi du premier citoyen de la cité, Eupolemos : en personne, fendant la foule, il vint à la rencontre des quatre-vingt hommes illustres qui étaient de retour. Reçus avec des salutations bienveillantes, les mains tendues, ils furent tués alors qu'ils franchissaient la porte de la ville, au mépris de la foi donnée et des dieux invoqués. Dès cet instant, la guerre reprit de plus belle. Caius Valerius Laeuinus, Appius Claudius Pulcher, Caius Memmius et Marcus Popilius et Lucius Canuleius arrivèrent, envoyés par le sénat. Auprès d'eux, tandis que les légat des deux partis s'affrontaient à Delphes dans un vif débat, Proxenos sembla l'emporter autant pour sa cause que pour son éloquence ; mais quelques jours plus tard, sa femme Orthobula le supprima par le poison et, condamnée pour ce crime, elle fut exilée.

 


Deux partis s'affrontent alors à Hypata : celui d'Eupolemos, premier citoyens d'Hypata, et celui de Proxenos, qui avait perdu quatre-vingt membres de son parti, condamnés à l'exil. Proxenos, malgré son rôle de chef, ne fait pas parti de ces exilés massacrés à leur retour. Dans la suite du texte, il est bien vivant et assure brillamment la défense de son parti auprès des légats romains. Le désaccord entre Eupolemos et Proxenos est présenté par Tite-Live comme un exemple des luttes dont l'Étolie est victime à l'issue du traité de paix de 189 av. J.-C., signé avec les Romains victorieux.

Je vais me concentrer ici sur les deux Hypatéens, Eupolemos et Proxenos, qui sont connus par d'autres documents. Essayons de reconstituer leur parcours.

 

Eupolemos, chef de la cavalerie Étolienne, allié des Romains contre Philippe (- 197)

 

Selon Polybe (Histoires, XVIII, 19), Eupolemos était déjà chef de guerre durant la deuxième guerre de Macédoine, alors que les Étoliens soutenaient les Romains contre Philippe V, roi de Macédoine, dans l'espoir que Rome pourrait les libérer du joug macédonien.

Nous sommes juste avant la bataille de Cynocéphales, soit en juin 197 av. J.-C.. Les troupes romaines, commandées par Titus Quinctius Flamininus, et celles de Philippe se rencontrent aux environs de Phères.

 

[18, 19] (…) Τῇ δ' ἐπαύριον ἐξέπεμψαν ἀμφότεροι κατασκοπῆς ἕνεκα τῶν ἱππέων καὶ τῶν εὐζώνων περὶ τριακοσίους ἑκατέρων, ἐν οἷς ὁ Τίτος καὶ τῶν Αἰτωλῶν δύ' οὐλαμοὺς ἐξαπέστειλε διὰ τὴν ἐμπειρίαν τῶν τόπων· οἳ καὶ συμμίξαντες ἀλλήλοις ἐπὶ τάδε τῶν Φερῶν ὡς πρὸς Λάρισαν συνέβαλλον ἐκθύμως. Τῶν δὲ περὶ τὸν Εὐπόλεμον τὸν Αἰτωλὸν εὐρώστως κινδυνευόντων καὶ συνεκκαλουμένων τοὺς Ἰταλικοὺς πρὸς τὴν χρείαν, θλίβεσθαι συνέβαινε τοὺς Μακεδόνας. (...)

 

Le lendemain, tous deux (= Titus et Philippe) envoyèrent en observation des cavaliers et des soldats armés à la légère, trois milles de chaque, au nombre desquels Titus avait adjoint deux escadrons de cavalerie Étolienne, pour leur connaissance des lieux : s'étant rencontrés aux alentours de Phères, sur la route de Larissa, ils en vinrent au combat avec ardeur. L'Étolien Eupolemos et les siens affrontant bravement le danger et encourageant les Italiens à prendre part au combat, les Macédoniens se retrouvèrent serrés de près.


La source d'Hypérie à Phères, par Edward Dodwell (1767–1832), "Vues de Grèce", 1821, p. 91.
La source d'Hypérie à Phères, par Edward Dodwell (1767–1832), "Vues de Grèce", 1821, p. 91.

Eupolemos, chef de la cavalerie Étolienne, se distingue ici par sa bravoure et son charisme. C'est à lui que les Romains doivent la victoire, dans ce premier affrontement avec les troupes macédoniennes. Trois jours plus tard, Titus Quinctius Flamininus l'envoie au secours d'un détachement qui, dans le brouillard, se retrouve nez à nez avec les Macédoniens.

 

[18, 21] (…) Ὁ δὲ Τίτος, παρακαλέσας τοὺς περὶ τὸν Ἀρχέδαμον καὶ τὸν Εὐπόλεμον Αἰτωλοὺς καὶ δύο τῶν παρ' αὑτοῦ χιλιάρχων, ἐξέπεμψε μετὰ πεντακοσίων ἱππέων καὶ δισχιλίων πεζῶν. Ὧν προσγενομένων τοῖς ἐξ ἀρχῆς ἀκροβολιζομένοις, παραυτίκα τὴν ἐναντίαν ἔσχε διάθεσιν ὁ κίνδυνος· οἱ μὲν γὰρ Ῥωμαῖοι, προσλαβόντες τὴν ἐκ τῆς βοηθείας ἐλπίδα διπλασίως ἐπερρώσθησαν πρὸς τὴν χρείαν, οἱ δὲ Μακεδόνες ἠμύνοντο μὲν γενναίως, πιεζούμενοι δὲ πάλιν οὗτοι καὶ καταβαρούμενοι τοῖς ὅλοις προσέφυγον πρὸς τοὺς ἄκρους καὶ διεπέμποντο πρὸς τὸν βασιλέα περὶ βοηθείας.

 

Titus (Quinctius Flamininus), après avoir encouragé les Étoliens d'Archedamos et d'Eupolemos, les envoya, accompagnés de deux tribuns militaires, avec cinq cent cavaliers et deux mille fantassins. Arrivant en renfort à ceux qui avaient engagé l'escarmouche au départ, l'équilibre des forces se renversa aussitôt : en effet, les Romains, reprenant espoir grâce à ce soutien, se démenèrent doublement pour leur part, tandis que les Macédoniens combattirent noblement, mais, à leur tour pressés et accablés de tous côtés, fuirent sur les hauteurs et envoyèrent demander de l'aide au roi.


Là encore, la présence des Étoliens est décisive dans l'issue du combat. C'est donc un parfait allié que les Romains semblent avoir trouvé en la personne d'Eupolemos.

 

Eupolemos, chef de la cavalerie Étolienne, allié d'Antiochus contre les Romains (- 189)

 

Pourtant, l'équilibre des forces change avec l'arrivée en scène d'Antiochus, le roi Séleucide, qui espère profiter des troubles en Grèce pour étendre son royaume. Les Étoliens, bercés de ses belles paroles, croient avoir trouvé plus fort que les Romains, et retournent leur veste. On retrouve donc Eupolemos huit ans plus tard, encore à la tête de la cavalerie Étolienne, mais cette fois contre les Romains ! Au livre XXXVIII de l'Histoire Romaine de Tite-Live, on le voit tentant de libérer Ambracie dont l'armée Romaine, dirigée par le consul M. Fulvius, s'est emparé au début de l'été 189 av. J.-C..

 

[38, 4] (…) Ad famam oppugnationis Ambraciae Stratum iam edicto Nicandri praetoris conuenerant Aetoli. Inde primo copiis omnibus ad prohibendam obsidionem uenire in animo fuerat; dein, postquam urbem iam magna ex parte operibus saeptam uiderunt, Epirotarum trans flumen loco plano castra posita esse, diuidere copias placuit. Cum mille expeditis Eupolemus Ambraciam profectus per nondum commissa inter se munimenta urbem intrauit. (...)

A l'annonce de l'attaque sur Ambracie, le préteur (=stratège) Nicandre lança un appel de Stratos qui rassembla aussitôt les Étoliens. Il songea d'abord à venir avec toutes les troupes pour empêcher le siège ; mais lorsqu'il vit que la ville était déjà presque entièrement encerclée, et que le camp des Épirotes était établi au-delà du fleuve dans la plaine, il préféra diviser ses troupes. Avec mille homme armés à la légère, Eupolemos avança vers Ambracie, traversa les lignes ennemies qui n'étaient pas encore reliées entre elles et pénétra dans la ville.

 


Ce passage est marqué par une rapidité de réaction des Étoliens qui surprend les Romains. Celle de Nicandre, alors stratège (position la plus haute dans la hiérarchie de la ligue Étolienne), qui appelle immédiatement les Étoliens à se rassembler ; rapidité ensuite d'Eupolemos, qui réussit à percer les lignes de siège, que les Romains n'ont pas encore eu le temps de fortifier. La dernière phrase, en particulier, au rythme décroissant, met bien en valeur le coup d'éclat d'Eupolemos :

Cum mille expeditis Eupolemus Ambraciam profectus (17 syllabes) // per nondum commissa inter se munimenta (13 syllabes) // urbem intrauit (5 syllabes)

Après l'arrivée de ces renforts, les Romains peinent à enfoncer les murs de la ville et les habitants assiégés reprennent courage. Nicandre, qui se trouve alors à Stratos, capitale fédérale de l'Étolie, décide d'envoyer Nicodamos enfoncer les lignes de la ville, tandis que lui-même arrivera à sa suite pour ravager le camp ennemi. Les Romains ont établi leur siège sur trois points, que les Étoliens, avec maladresse, attaquent simultanément.

 

[38, 6] (…) Uno in loco ferro ignique gesta res ; ab duobus irrito incepto, cum temptassent magis quam inissent certamen, Aetoli abscesserunt : atrox pugna in unum inclinaverat locum ; ibi diuersis partibus duo duces, Eupolemus et Nicodamus, pugnantes hortabantur et prope certa fouebant spe iam Nicandrum ex composito adfore et terga hostium inuasurum.

La bataille par le fer et le feu se porta sur un seul point ; sur les deux autres, l'entreprise fut vaine, et les Étoliens, ayant tenté plutôt qu'amorcé une attaque, se retirèrent ; la violence du combat se concentra en un seul lieu ; là, chacun de son côté, les deux chefs, Eupolemos et Nicodamos, encouragaient les combattants et les assuraient qu'ils verraient bientôt arriver Nicandre tomber sur les arrières de l'ennemi, comme il avait été convenu.

 


Mais Nicandre ne tient pas ses promesses et Ambracie se retrouve livrée à elle-même. Tite-Live nous donne une image peu flatteuse du chef Étolien, qui contrairement aux Romains, n'arrivent pas à suivre une logique, s'affaiblissant en divisant leurs forces.

 

Le sort d'Eupolemos à l'issue du traité de paix (- 189)

 

Au livre XXXVIII, Tite-Live rapporte le traité de paix que les Etoliens furent contraints de signer avec les Romains à l'issue de leur défaite. Outre des sommes exorbitantes à verser, les Romains réclament des otages qui les suivront à Rome et garantiront le respect du traité (sous peine d’exécution).

 

[38,11] (…) obsides quadraginta arbitratu consulis Romanis dato, ne minores duodecim annorum neu maiores quadraginta ; obses ne esto praetor, praefectus equitum, scriba publicus, neu quis qui ante obses fuit apud Romanos ; (…)

 

Que quatre-vingt otages au choix du consul Romain soient livrés, âgés de douze ans à quatre-vingt ans ; ne seront otages ni le stratège, ni le chef de la cavalerie, ni le secrétaire général, ni quiconque ayant été auparavant otage des Romains.


La prise d'otages (à ne pas confondre avec les prisonniers de guerre) à l'issue d'une défaite était une pratique courante chez les Romains, comme l'analyse Ndiaye Saliou.

Ndiaye Saliou. Le recours aux otages à Rome sous la République. In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 21, n°1, 1995. pp. 149-165.

Eupolemos aurait tout à fait pu faire parti de ces quatre-vingt Étoliens, si le traité n'avait pas exclu certaine personnes : on reconnaît derrière praetor le stratège Nicandre, et derrière praefectus equitum, le chef de la cavalerie Eupolémos. Notre héros semble donc avoir été épargné d'exil, pour une raison que le traité ne dévoile pas. Nous verrons plus loin que les inscriptions corroborent cette hypothèse puisqu'Eupolemos fut par la suite deux fois stratège des Étoliens. C'est peut-être grâce à son ancien dévouement à Rome qu'Eupolemos a pu tirer son épingle du jeu.

 

Eupolemos stratège des Étoliens pour la première fois (- 187/6 ?)

 

Deux inscriptions font mention d'Eupolemos sous le titre de stratège des Étoliens :

  • dans une inscription de Thermos ; il s'agit d'un décret des Étoliens accordant la « proxénie » à un athénien, Lysikles Phaidrou : IG IX,1² 1:4 (lignes 3 à 5).

[στραταγ]έ̣οντος Εὐπολέμου Ὑπαταίου προξενίαν Α̣ἰτωλο̣[ὶ]

[ἔδ]ω̣καν κατὰ τὸν νόμον Λυσικλεῖ Φαίδρου Ἀθηναίοι. ἔγ̣γυοι

Β̣ουθήρας, Δαμοκλέας Ὑπαταῖοι.

 

Sous le stratège Eupolemos d'Hypata, les Étoliens ont accordé la proxénie, selon la loi, à l'Athénien Lysikles, fils de Phaidros. Les témoins : Bouthèras et Damokléas, citoyens d'Hypata.


  • dans une inscription de Physkeis, publiée relativement récemment dans un article de D. Rousset, consacré à dix actes d'affranchissement provenant de Physkeis, une cité de Locride occidentale.

Rousset Denis. Affranchissements de Physkeis en Locride occidentale. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 130, livraison 1, 2006. pp. 349-379.

 

[Σ]τραταγέοντος Εύπολέμου, εν δέ Φυ[σ-]

[κέ]οις άρχοντος Ξένωνος, μηνός Ύ-

[χ]αίου, άπέδοτο Φιλλέας Οίναίος Άθ[ά-]

ναι Ίλιάδι σώμα γυναικεΐον άι όνο-

μα Κράτεια, αργυρίου μνάν τεσσάρων.

Προαποδότας Σωκρατίδας Φυσ-

κεύς κατά τόν νόμον. Μάρτυροι

Νικίας, Ξένων, Μένων,

Δαμόξενος, Πολύφρων Οίναίος.

Ά ώνά κείται παρά Πολέμαρχον Άρχεδάμου

Φυσκέα.

 

Sous le stratège Eupolemos, et l'archonte Xénon à Physkeis, au mois d'Hychaios, Philléas d'Oinéon a vendu à Athéna Ilias une esclave du nom de Krateia, pour quatre mines d'argent. Garant selon la loi : Sokratidas de Physkeis. Les témoins : Nikias, Xénôn, Ménôn, Damoxénos, Polyphrôn d'Oinéon. L'acte d'achat est déposé auprès de Polémarchos de Physkeis, fils d'Archédamos.


Dans ces deux inscriptions, on peut penser qu'il s'agit de la première stratégie d'Eupolémos, puisque nous verrons plus loin que la deuxième titulature est accompagnée de τὸ δεύτερον, « pour la seconde fois » .

G. Klaffenbach a établi la liste des stratèges Etoliens dans Inscriptiones Graecae IX,1. 2nd edn., ed. Günther Klaffenbach. Berlin 1932-1968. — Fasc. 1, Inscriptiones Aetoliae (1932), p LI. Malheureusement, ce document m'est inaccessible. Je n'ai que le témoignage indirect de G. Daux qui remet en question le choix de Dicéarque comme stratège en - 187/6 par G. Klaffenbach.

Daux Georges. Notes étoliennes. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 56, 1932. pp. 313-330.

Dès lors, Eupolémos pourrait bien être le stratège manquant de l'année -187/6.

 

Proxenos, stratège des Étoliens (- 183/2 ?)

 

Quand à Proxenos, Paul Jal, dans les notes complémentaires du tome XXXI de l'Histoire romaine de Tite-Live aux éditions des Belles Lettres, indique qu'il « avait sans doute été stratège en 183/182 », fait qu'il tient d'un article :

Piero Meloni, Perseo e la fine della monarchia Macedone, Università di Cagliari, 1953, p. 143.

Impossible de me procurer cet ouvrage, aujourd'hui épuisé et indisponible sur Internet. Je pense avoir cependant retrouvé l'inscription qui a permis à P. Meloni de supposer que Proxenos avait été stratège des Étoliens :

Inscriptiones Graecae IX,1. 2nd edn., ed. Günther Klaffenbach. Berlin 1932-1968. — Fasc. 1, Inscriptiones Aetoliae (1932), 1:179.

 

Il s'agit d'une inscription de Delphes, publiée pour la première fois en 1881 :

Haussoullier Bernard. Inscriptions de Delphes : décret des Étoliens au sujet des jeux Niképhoria, décret des Delphiens, décret de proxénie. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 5, 1881. pp. 372-383.

 

B. Haussoullier a trouvé la pierre en avant du portique des Athéniens. Elle comportait trois décrets, dont celui qui nous intéresse. Aux lignes 24 à 26 de l'inscription, B. Hassoullier avait lu : άνενεγκεΐν τους άρχοντας τους άπο ταν πολίων τώι στρατα[γώ]ι [η] προξένωι έν τα Πύθια, passage qu'il traduit : « que les archontes des villes en rendent compte au stratège ou au proxène, pour l'époque des jeux Pythiens ». Dans Inscriptiones Graecae, G. Klaffenbach a reconnu lui un nom, celui de Proxenos, et corrige ainsi : ἀνενε[γκεῖ]ν τοὺς ἄρχοντας τοὺς ἀπὸ τᾶν πολίων τῶι στραταγ̣[ῶ]ι Προξένωι ἐν τὰ Πύθια, « que les archontes des villes en rendent compte au stratège Proxenos, pour l'époque des jeux Pythiens ». Je suis la leçon de G. Klaffenbach (1932), car je ne vois pas bien en quoi le statut de proxène, récompense pour les étrangers méritants, pourrait être mis sur le même plan que celui de stratège de la cité.

 

Concernant la datation de l'inscription, B. Hassoullier montre qu'elle daterait d'un peu avant 179 av. J.-C., car au début, il est dit qu'Eumène, roi de Pergame, est au comble de la grandeur, après plusieurs guerres. Le pluriel πολέμους, amène à penser aux guerres contre Prusias et Pharnace. S'il s'agit donc bien du même personnage, Proxenos aurait pu en effet être stratège vers 182 av. J.-C..

 

Eupolemos stratège des Étoliens pour la deuxième fois (- 176/5)

 

L'inscription qui permet de prouver la seconde magistrature d'Eupolemos d'Hypata, a été éditée par G. Klaffenbach, cité plus haut, qui a consacré toute sa carrière à la collection des inscriptions de Grèce centrale.

Inscriptiones Graecae IX,1. 2nd edn., ed. Günther Klaffenbach. Berlin 1932-1968. fasc. 3, Inscriptiones Locridis occidentalis (1968). IG IX,1² 3:672. lignes 27 et 28.

 

στ̣[ρα]ταγ̣έ[ον]τος [τῶν Αἰτωλῶν Εὐπολέμου]

Ὑπαταίου τὸ δεύτε[ρον]

 

Sous la stratégie d'Eupolemos, stratège des Étoliens pour la seconde fois, (...)


Sur la pierre, figurent trois actes d'affranchissement, par vente à la déesse Athéna Ilias, semblables à ceux que nous avons analysé avant. Les deux premiers sont datés d'après l'agonothète des Locriens, mais le troisième d'après le stratège des Étoliens : Eupolemos d'Hypata. Lors de cette deuxième magistrature, en 176/5 av. J.-C., la guerre civile éclate à Hypata (Tite-Live, LVI, 25). Persée de Macédoine, le fils de Philippe, qui cherche des alliances en Grèce, va en profiter pour se rapprocher insidieusement de la ligue Étolienne.

 

Eupolemos emmené à Rome pour non-respect des clauses du traité de paix (vers -172)

 

Selon Polybe (Histoires, XXVIII, 4), Eupolemos et Nicandre furent emmenés à Rome. En 169 av. J.-C., alors que les Romains sont en guerre contre Persée (troisième guerre de Macédoine), Gaius Popilius et Gnaeus Octavius sont envoyés comme légat en Achaïe, puis en Étolie. A Thermos, devant l'assemblée des Étoliens, dont la fidélité n'est toujours pas assurée, les Romains réclament des otages. Lyciscos s'exprime en faveur des Romains.

 

[28, 4] Μετὰ δὲ τοῦτον προελθὼν Λυκίσκος ἐπ᾽ ὀνόματος μὲν οὐδενὸς ἐποιήσατο κατηγορίαν, καθ᾽ ὑπόνοιαν δὲ πολλῶν. Ἔφη γὰρ περὶ μὲν τῶν κορυφαίων καλῶς βεβουλεῦσθαι Ῥωμαίους, ἀπαγαγόντας αὐτοὺς εἰς τὴν Ῥώμην, λέγων τοὺς περὶ τὸν Εὐπόλεμον καὶ Νίκανδρον, τοὺς δὲ συναγωνιστὰς καὶ τοὺς παραστάτας τοὺς ἐκείνων ἔτι μένειν κατὰ τὴν Αἰτωλίαν, οὓς δεῖν ἅπαντας τῆς αὐτῆς τυχεῖν ἐκείνοις ἐπιστροφῆς, ἂν μὴ προῶνται τὰ τέκνα Ῥωμαίοις εἰς ὁμηρείαν.

 

Ensuite, Lyciscos s'avança pour parler, portant des accusations sur aucun nom, mais faisant allusion à beaucoup. Car il dit que les Romains avaient pris une bonne décision au sujet des chefs de partis, en les emmenant à Rome, parlant ici d'Eupolemos, Nicandre et les leurs, mais que restaient encore à travers l'Étolie leurs partisans et leurs appuis, qui devaient tous subir le même châtiment, à moins que leurs enfants ne soient donnés aux Romains comme otages.


J'ai d'abord pensé que la version de Polybe invalidait celle de Tite-Live, qui disait qu'Eupolemos était resté en Etolie à l'issue du traité de paix. Nous avions aussi des inscriptions ultérieures, témoignant qu'Eupolemos, stratège des Étoliens par deux fois, continuait une activité politique en Étolie. En vérité, il semble qu'Eupolemos ait été emmené à Rome, non pas comme otage, mais comme prisonnier après la guerre civile d'Hypata.

 

On peut dater l'exil d'Eupolemos d'après celui de Nicandre, dont Polybe nous donne plus de détails. Vers 172 av. J.-C., Nicandre a été arrêté avec d'autres collègue sous prétexte d'une action de la cavalerie Etolienne (Histoires, XXVII, 15). Selon Polybe, la véritable cause de cette arrestation trouverait sa source dans une amitié de longue date entre Nicandre et Philippe de Macédoine (Histoires, XX, 11, 10). Avant de déclarer la guerre à la Macédoine en 171 av. J.-C., les Romains ont habilement privé les Étoliens de leurs chefs. Polybe nous apprend également que Nicandre finit ses jours à Rome (Histoires, XX, 11, 10). Eupolemos est peut-être lui-aussi mort loin d'Hypata, au rang des ennemis du peuple Romain. Je n'ai en tout cas plus trouvé de trace de lui au-delà de cette date.

 

Chronologie récapitulative des événements concernant Eupolemos et Proxenos d'Hypata

  • - 197 : Eupolemos chef de la cavalerie Étolienne, allié des Romains contre Philippe (Polybe)
  • - 188/9 : Eupolemos chef de la cavalerie Étolienne, allié d'Antiochus contre les Romains (Tite-Live)
  • - 189 : Eupolemos épargné par le traité de paix signé entre les Étoliens et les Romains (Tite-Live)
  • - 187/6 : Eupolemos stratège des Étoliens pour la première fois (IG IX, 1, 1, 4 et l'inscription de Physkeis)
  • - 183/2 : Proxenos stratège des Étoliens (IG IX, 1 ,1 ,179)
  • - 176/5 : Eupolemos stratège des Étoliens pour la deuxième fois (Tite-Live et IG IX, 1, 3, 672)
  • - 175 : déclenchement d'une guerre civile à Hypata, entre le parti d'Eupolemos et celui de Proxenos ; délégation du sénat pour régler le conflit ; Proxenos empoisonné par sa femme (Tite-Live)
  • - 172 : Eupolemos emmené à Rome pour non-respect des clauses du traité de paix (Polybe)