Quand les Hypatéens latinisent ...

 

Une borne milliaire a été trouvée à Domokos (Thaumakoi) dans la maison de Dimitrios Georgalis. Il s'agit d'un cylindre de marbre, dont la première édition date de 1924 :

 

La Coste-Messelière Pierre de, Daux Georges. De Malide en Thessalie. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 48, 1924. pp. 343-376.

 

En 1997, elle était au musée de Thèbes en Beotie [NDA : voir Decourt-Mottas, 1997]. En voici la photo, publiée dans l'article ci-dessus :

 

 

[Imp(erator) Ca]esa{i}r divi Adri-

ani filius, divi Traia-

{aia}ni nepos, divi Nerva-

e pronepos, Titus Ael[ius]

Adrianus Antoninus

Aug. Pius, p(ontifex) m(aximus), tribu-

niciae potestatis IIII

[imp.] I, cos. III, p(ater) p(atriae).

     Ὑπαταῖοι.

 

 

A l'Empereur César, fils du divin

Hadrien, petit-fils du divin

Trajan, arrière-petit-fils du divin

Nerva, Titus Aelius

Hadrien Antonin

Auguste le Pieu, grand Pontife,

dans sa troisième puissance tribunicienne,

acclamé empereur une fois, consul trois fois, père de la patrie.

Les Hypatéens.

 


Cette inscription comporte plusieurs particularités intéressantes.

 

Tout d'abord, d'après la titulature impériale d'Antonin le Pieu, elle date de 140/41 ap.J.-C., ce qui en fait un exemple unique pour cette période dans la région, les autres bornes datant d'Hadrien ou des Tétrarques, deux époques de bornage de la Thessalie [NDA : voir Decourt-Mottas, 1997].

 

Ensuite, la pierre a été érigée au frais des Hypatéens, comme en témoigne la dédicace finale, mais se dressait à Domoko, et non sur le territoire d'Hypata. Decourt et Mottas en ont déduit que cette ville se tenait à l'écart d'un axe principal : voulant se montrer au plus grand nombre, les Hypatéens ont pris en charge une borne placée sur la route principale allant de Thaumakoi à Lamia, plutôt que sur leur propre territoire. Cette hypothèse est appuyée par autre borne milliaire érigée par les Hypatéens se trouvant également sur le territoire de Thaumakoi (Année Epigraphique, 1974, p. 162, n°613).

 

Enfin, la graphie, qui mélange lettres latines et lettres grecques (à la place du R, on a utilisé Λ), et le choix du nominatif, là où l'on attendrait le datif, puisque les Hypatéens adressent cette pierre à l'empereur, montrent que le graveur n'était peut-être pas habitué à effectuer des inscriptions latines.

 

Que devait bien pouvoir penser un romain passant par là ? Sans avoir profondément choqué, puisque la pierre est restée sur place et a rempli ses fonctions de borne, on peut imaginer des sourires.

Un peu comme lorsqu'on découvre au détour d'une rue japonaise une orthographe fantaisiste du français.